S’attaquer aux trottinettes électriques en libre-service n’est pas anodin. Ce sont des biens privés, et les entreprises propriétaires sont à l’affût de ces actes de vandalismes, qui peuvent coûter gros.

La vidéo a été partagée des centaines de fois depuis ce 7 avril 2019. Un homme d’un certain âge s’approche de trois trottinettes de marque Lime, posées sur un trottoir parisien. Avec une nonchalance rare, il les fait tomber au sol une à une.

L’association de son acte gratuit et son flegme en a fait une vidéo à gros potentiel humoristique. Mais le vengeur-pas-masqué risque-t-il concrètement des poursuites judiciaires ?

https://twitter.com/GhaliBensouda/status/1114853442147766277

Dégrader des trottinettes est devenu un mème

ll convient de faire la différence de gravité entre plusieurs types d’actes répréhensibles. Malgré le degré de détermination de l’homme immortalisé sur la vidéo ci-dessus, son acte n’a que peu de répercussions sur le bon fonctionnement des engins maltraités. À moins que la chute n’ait provoqué de réels dommages qui rendent les objets inutilisables, cette rébellion anticapitaliste de quelques secondes n’aura pas vraiment d’impact sur le responsable. Il ne sera donc vraisemblablement pas poursuivi en justice par Lime.

Mais ce n’est pas le cas de tous les vandales. L’apparition des multiples trottinettes en libre-service dans les rues françaises en juin 2018 — compter 10 services différents rien qu’à Paris — a entraîné une vague de contestation et, surtout, de vandalisme. Il n’est pas rare de retrouver des engins brisés en mille morceaux sur la chaussée, sans guidon ou sans repose-pied, voire brûlés en plein milieu de la route pendant des manifestations.

Outre Atlantique, un compte Instagram recense même toutes les preuves de dégradation de trottinettes électriques partagées. Sa création en juillet 2018 avait d’ailleurs généré de nombreux articles de presse en France, la plupart laissant entendre qu’il s’agissait d’une initiative amusante, voire salutaire. Or de telles dégradations sont punies par la loi.

Les entreprises de partage de trottinettes électriques en libre-service sont propriétaires de tous les appareils mis en circulation. Cela signifie que ces engins sont un bien privé, et non public. C’est ce que confirme à Numerama un porte-parole de Bird, l’une des société les plus présentes sur le segment : « Les trottinettes électriques Bird disponibles à la location sont la propriété de Bird Rides France. Toute tentative de vandalisme ou de destruction de ces engins est passible de poursuites, et est systématiquement signalé à la police. »

L’entreprise affirme même collaborer avec la police, qui aurait « déjà procédé à des arrestations pour vandalisme au cours des derniers mois », sans pouvoir nous en dire plus.

Que dit la loi ?

L’article 322-1 du code pénal stipule que « la destruction, la dégradation ou la détérioration d’un bien appartenant à autrui est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende, sauf s’il n’en est résulté qu’un dommage léger. » Pousser une trottinette pour qu’elle tombe par terre, sans dégât grave, rentre dans la catégorie du « dommage léger ».

En revanche, tout autre acte qui empêche le bon fonctionnement du service de partage peut tomber sous le coup de la loi. Et au niveau des conséquences financières pour les responsables, « ce ne sont pas les amendes qui coûtent le plus cher, mais les dommage intérêts réclamés », nous explique une juriste.

La notion de « perte d’exploitation »

Par exemple, un membre du mouvement des Gilets jaunes a récemment été condamné à 6 mois de prison avec sursis et à verser 40 000 euros de réparations pour avoir participé au saccage d’un péage d’autoroute à Bandol (Var), qui appartient à l’entreprise privée Escota. Celle-ci avait réclamé 44 000 euros, justifiant à la fois le matériel à remplacer, la main d’œuvre et la « perte d’exploitation ».

C’est cette notion  de « perte d’exploitation » que les startups de trottinettes en libre-service peuvent faire valoir devant les tribunaux, car elle englobe leur potentiel manque à gagner. Évidemment, saccager un péage (et empêcher la circulation de milliers de voitures) relève à priori d’un préjudice plus important que de brûler une seule trottinette. Mais si l’on met bout à bout une trottinette dégradée après l’autre —  sans compter les vols — , ce sont des milliers d’engins qui se retrouvent hors service. Il serait donc erroné de penser qu’en cas d’arrestation pour dégradation ou vandalisme de trottinette électrique, le coupable ne risquerait de devoir payer « que » le montant de l’objet (qui s’élève environ à 400 euros pièce, sur les modèles équivalents grand public).

Même si les données sont rares dans ce marché hautement concurrentiel, on estime qu’entre 30 % et 50 % du parc de trottinettes mis en service est inutilisable à cause des vols et des dégradations. La durée de vie d’un de ces véhicule serait en moyenne de 28 jours.  Le coût est énorme pour les entreprises, qui ont besoin de beaucoup de liquidités pour se maintenir à flot, car leur modèle n’est à ce jour pas rentable.

Si vous êtes pris en flagrant délit de cassage de trottinettes électriques, vous êtes donc susceptibles de devoir payer une amende élevée, même si vous jugez que leur occupation des trottoirs est elle aussi illégale. À ce jour en France, aucune jurisprudence n’existe encore sur un tel cas.

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