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Google cédera-t-il à la censure des recherches pour plaire à la Chine ?

Des documents internes sortis par un média américain indiquent que Google travaille activement au lancement d'une version censurée de son moteur de recherche pour plaire aux autorités chinoises. Un lancement qui devrait survenir en 2019.

Lorsque le projet Maven fut dévoilé au grand jour, en début d'année, une fronde rare par son ampleur apparut dans les rangs de Google pour dénoncer certaines décisions commerciales. En effet, plusieurs milliers de salariés signèrent une pétition pour demander à la direction de renoncer au partenariat avec le Pentagone. Quelques démissions furent même constatées.

L'étendue de la contestation interne, qui fut ensuite relayée par les médias, a fini par avoir eu raison de ce programme. L'entreprise américaine a publié une charte éthique relative à l'intelligence artificielle, qu'elle s'engage à respecter, afin de ne plus par exemple mettre à disposition ses technologies à des fins militaires ou de surveillance. Ainsi, ce programme ne devrait pas être reconduit.

Un tel épisode pourrait-il de nouveau se produire, cette fois concernant le moteur de recherche de la firme de Mountain View ? C'est bien possible, surtout à l'heure où le groupe américain a renouvelé son slogan pour affirmer vouloir « faire ce qui est juste » (« do the right thing »). Or, la mise en place d'une version censurée de son moteur de recherche pour atteindre le marché chinois rompt cet engagement.

Projet libellule

Le site d'investigation américain The Intercept révèle en effet mercredi 1er août avoir mis la main sur des documents internes hautement confidentiels mentionnant un « projet libellule » (Dragonfly, en anglais). Derrière ce nom respirant la poésie se cache en fait la mise en coupe réglée du moteur de recherche pour se conformer avec les restrictions en ligne imposées par Pékin.

Au sein de Google, seule une petite poignée d'employés serait au courant du projet libellule. Quelques centaines à peine, selon nos confrères, sur les 89 000 salariés que compte globalement Alphabet, la maison-mère du géant du net. La direction bien sûr, mais aussi des ingénieurs et des développeurs pour pouvoir concevoir les logiciels satisfaisant la censure chinoise.

Sans surprise, plusieurs termes seraient filtrés, indique l'auteur de l'article, Ryan Gallagher, comme les droits de l'homme, la démocratie, la religion ou encore les manifestations pacifiques. L'on peut supposer que les sujets liés à l'occupation de la place Tian’anmen,au Dalaï-lama, à l'indépendance de Taïwan, à la situation au Tibet, à la pornographie, à la liberté de la presse seront aussi mis sous le boisseau.

Les restrictions d'accès toucheraient aussi certains sites d'information bien précis, qu'il s'agisse de médias (comme la BBC) ou d'encyclopédies (Wikipédia). Lorsqu'un internaute chinois effectuera une recherche, les sites web interdits seront supprimés de la première page de résultats et un encart indiquera que certains résultats ont pu être supprimés en raison d'exigences légales.

La saisie semi-automatique, une fonction qui permet de proposer des suggestions de requêtes à mesure que l'internaute inscrit la sienne dans le champ de saisie de texte, serait par ailleurs désactivée, tandis que d'autres services proposés classiquement par Google, comme la recherche d'images ou la correction orthographique, seraient fortement bridés ou neutralisés.

Pour revenir en Chine, Google privilégierait l'emploi prioritaire d'une application mobile pour Android. Une approche cohérente avec les usages, notamment chinois, où l'accès à Internet se fait avant tout par un smartphone. Une étude publiée début 2017 indiquait qu'en 2016, plus de 95 % des internautes locaux utilisent un terminal mobile pour surfer sur le net. Ce nombre est de 97 % aujourd'hui.

Ladite application serait déjà prête dans les grandes lignes, car The Intercept évoque une démonstration qui aurait déjà eu lieu devant les autorités chinoises. La version finale ne serait toutefois pas lancée avant 2019, puisqu'il faudrait encore six à neuf mois pour faire les derniers réglages et s'assurer que les mailles du filet sont suffisamment resserrées pour ne rien laisser passer.

Changement de doctrine

Le retour de Google en Chine constituerait un changement de doctrine radical, mais pas tout à fait surprenant au regard des actualités régulières sur le sujet.

En 2015 par exemple, le cofondateur de Google Sergey Brin déclarait que les filiales d'Alphabet, la maison-mère de Google, sont libres de s'installer en Chine si elles le souhaitent. En 2017, il a été évoqué un partenariat avec un groupe chinois, NetEase, qui édite de nombreux jeux et services web, pour faire revenir Google Play en Chine. Discussions qui n'ont manifestement pas (encore) abouti.

Il faut dire que le marché chinois est aussi immense qu'alléchant : il serait vaste de plus de 772 millions d'internautes, selon des chiffres donnés en début d'année par le Centre d'information sur Internet (CNNIC), un organisme d’État. Alors, cela vaut bien de faire le déplacement pour assister, notamment, à une conférence mondiale sur Internet organisée en Chine et par la Chine, et de modérer les critiques.

D'ailleurs, Sundar Pichai, le PDG de Google, a rencontré pour cette occasion Wang Huning, un très proche de Xi Jinping, l'actuel secrétaire général du Parti communiste chinois, et donc de facto le président de la république populaire de Chine. Celui-ci est critiqué pour sa dérive autoritaire, puisque le pouvoir en place a fait en sorte de modifier la Constitution pour qu'il puisse être président à vie.

Google avait choisi de quitter la Chine début 2010, quatre ans après le lancement de Google.cn, pour ne pas subir la réglementation chinoise imposant la censure sur les moteurs de recherche installés en Chine. Le retrait était aussi le résultat de cyberattaques subies par Google, attribuées aux autorités chinoises, par lesquelles le groupe se serait fait voler des données confidentielles.

« La décision de réviser nos opérations commerciales en Chine a été incroyablement dure, et nous savons qu’elle aura des conséquences potentiellement très lourdes », avait reconnu à l’époque David Drummond, le directeur des affaires juridiques de Google. La firme avait alors déménagé ses services à Honk Kong, où la Chine n’a pas le pouvoir d’imposer la censure.

Il reste désormais à savoir si les employés de Google accepteront ce retour dans l'Empire du Milieu, où la censure d’Internet est implacable. Car en plus du filtrage pour bloquer les informations qui proviennent de l’extérieur, via le Grand Firewall, qui est l'équivalent de la   Grande Muraille de Chine empêchant l'intrusion dans le pays d’éléments étrangers, une surveillance féroce a lieu sur ce qui dit à l’intérieur des frontières.