Charges sociales sur les royalties : le gouvernement cède, les artistes paieront
Incroyable et pourtant vrai.
A l'Assemblée Nationale, le gouvernement n'avait pas écouté l'actuel membre du collège de l'Hadopi, et avait demandé et obtenu le rejet de l'amendement présenté par Frank Riester. On pensait alors le dossier clos.
Mais non.
Au Sénat, c'est l'élue centriste Catherine Morin-Desailly qui a défendu un amendement similaire à celui du député, et provoqué un débat beaucoup plus âpre qu'au Palais Bourbon. La sénatrice a estimé que les royalties ne pouvaient pas être soumises au forfait social, car "leur nature même implique qu'elles ne sont jamais versées en contrepartie ou à l'occasion d'un travail", mais "s'analysent toujours comme la contrepartie de l'exercice d'un droit de propriété intellectuelle". Elle a elle aussi plaidé la cause des maisons de disques dévastées, rappelant que "le chiffre d'affaires du secteur phonographique a chuté de moitié, passant de 1,3 milliard d'euros en 2002 à 600 millions d'euros en 2009, en raison notamment du phénomène du piratage, qui remet en cause le droit d'auteur".
Malgré l'opposition de la Commission des affaires sociales, qui "rappelle que ce forfait vise à soumettre à une faible cotisation des revenus ceux qui en sont exemptés", le Gouvernement a cédé. Il a invité les sénateurs à voter l'amendement, par un argumentaire qui frise l'indécence.
"Soit ces sommes sont soumises à la CSG sur les revenus d'activité et, par conséquent, au forfait social, soit elles relèvent des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine. Au final, il faut l'avouer, les différences de prélèvements ne sont pas considérables", a ainsi fait remarquer la ministre Roselyne Bachelot. Sans jamais préciser cependant que dans le premier cas le forfait social est payé par la maison de disques en plus des royalties, alors que dans le second cas les prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine seraient prélevés directement sur les royalties, et amputeraient donc les revenus des artistes. "Nous sommes en discussion avec les différents acteurs de ce secteur pour savoir comment les choses devront concrètement se passer", a simplement prévenu la désormais ministre du Travail.
L'amendement a été adopté vendredi, non sans provoquer la colère de plusieurs sénateurs, qui ont contesté le drame que le forfait social serait pour les maisons de disques. "Bien que je ne possède pas les éléments suffisants pour déterminer si l'industrie phonographique connaît ou non des difficultés, j'imagine toutefois que de nombreux autres secteurs de notre industrie rencontrent effectivement des problèmes", a ainsi opposé le sénateur François Autain (CRC). "Dans ce cas, pourquoi ces secteurs ne pourraient-ils bénéficier d'une mesure identique à celle qui est présentée par ces amendements pour l'industrie phonographique ? Selon moi, le système que vous proposez n'est pas approprié pour apporter une aide à une industrie, quelle qu'elle soit".
"Si cette profession rencontre des difficultés majeures, celles-ci sont, me semble-t-il, de nature économique. Par conséquent, la réponse doit être d'ordre économique et non pas social", avait aussi protesté le rapporteur général de la commission des affaires sociales, Alain Vasselle (UMP).
Le sujet devrait être tranché en Commission mixte paritaire, mais le changement d'avis du Gouvernement laisse planer peu de suspense sur l'issue du dossier. Les maisons de disques ont gagné.