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Jeux en ligne : ce que dit (et ne dit pas) la saisine du Conseil constitutionnel

Adopté dans la douleur par le Parlement au début du mois, le projet de loi de libéralisation du marché des jeux d'argent en ligne fait l'objet d'un recours au Conseil constitutionnel déposé mardi par les députés de l'opposition. Numerama a pris connaissance du contenu de la saisine. Analyse.

Les députés socialistes ont déposé mardi au Conseil constitutionnel leur recours contre le projet de loi d'ouverture à la concurrence et à la régulation du secteur des jeux d'argent et de hasard en ligne, adopté le 6 avril dernier à l'Assemblée Nationale. Nous avons pu prendre connaissance du contenu des huit pages de la saisine, qui s'attache à dénoncer l'idée générale du texte, sans entrer dans le détail des 69 articles du projet de loi.

Rappelons que le texte prévoit d'ouvrir au marché les jeux d'argent sur Internet, jusque là encore protégés par le monopole de la Française des Jeux, du PMU et des casinos. Il fixe en contrepartie un certain nombre de règles fiscales et réglementaires imposées aux prestataires qui s'adressent aux internautes français, et crée une nouvelle autorité chargée de les faire respecter. L'Autorité de régulation des jeux en ligne (ARJEL) délivrera ainsi des homologations, et pourra saisir les tribunaux pour faire bloquer les sites Internet non homologués par les FAI ou hébergeurs, ou même les faire déréférencer des moteurs de recherche.

Ce dernier point, très contesté par les tenants de la neutralité des moteurs de recherche, ne fait pas l'objet de la saisineLes députés n'ont pas demandé au Conseil constitutionnel de censurer l'article 61 du projet de loi qui dispose que l'ARJEL peut saisir le juge des référés pour "prescrire toute mesure destinée à faire cesser le référencement du site d'un opérateur [non homologué] par un moteur de recherche ou un annuaire". Pas sûr, cependant, qu'il y avait des arguments de nature constitutionnelle à opposer à cette mesure. C'est en tout cas la première fois que la justice pourra faire déréférencer des sites non homologués par l'Etat. Un dangereux précédent qu'il aurait pu être judicieux de soulever. 

Peut-être les députés ont-ils craint la contradiction, puisqu'ils reprochent par ailleurs à la loi de "favoriser la prolifération" des jeux en ligne, en limitant les pouvoirs de l'ARCEP. Il aurait donc été difficile de reprocher à cette dernière de pouvoir faire rayer de la carte du net certains sites non homologués. Ils semblent même reprocher au gouvernement de rechercher "exactement l'effet inverse recherché par le législateur s'agissant de la loi HADOPI qui souhaitait exercer une dissuasion psychologique sur les internautes". "Désormais, le législateur incite à la consommation en légalisant les jeux en ligne et leur publicité", regrettent les députés.

Peu tatillonne sur les détails, la saisine se concentre sur la philosophie du texte qui serait "outrageusement contraire à l'intérêt général". Les députés de l'opposition reprochent ainsi au gouvernement d'avoir "pris le contre-pied" du principe de prohibition des jeux d'argent qui avait été consacrée en 1836. Il correspond pourtant selon eux aux valeurs de "protection de l'ordre public et de l'ordre social" qui constituent "le socle de la République". Ils rappellent que les monopoles accordés étaient des exceptions au principe de prohibition, "institués comme des moyens efficaces de régulation par l'Etat", et estiment que le principe de prohibition est "un principe fondamental" que doivent protéger les sages du Palais Royal.

Le texte porterait aussi atteinte selon la saisine au devoir de protection de la santé, en ne prenant pas les mesures nécessaires de lutte contre l'addiction. Les députés dénoncent un déséquilibre de la protection de la santé "au profit de la liberté d'entreprendre". Ils estiment que les "mécanismes d'auto-exclusion, de modération et d'autolimitation" prévus par la loi sont insuffisants, puisque "non seulement le législateur prévoit que " le loup est le gardien de la bergerie " mais ce sont les victimes potentielles qui devront assurer leur propre protection".

Il est aussi reproché au gouvernement de "consolider des situations acquises illégalement au détriment d'autres entreprises" qui auraient respecté la loi et donc attendu la libéralisation du marché. Pour lutter contre la fraude fiscale, il aurait fallu "appliquer un rappel aux opérateurs de jeu qui exercent actuellement dans l'illégalité et qui solliciteront un agrément auprès de l'ARJEL, d'exiger un effacement de leurs fichiers de clients et de leurs comptes de joueurs en contrepartie de l'agrément", indique le texte.

Enfin, les députés estiment que le texte rompt le principe d'égalité devant les charges publiques, en instaurant "une différence de taux de prélèvement fiscal et social entre les paris sportifs et hippiques en ligne d'une part et les jeux de cercles en ligne d'autre part". De même, il est reproché une taxation plus faible sur les jeux de casino en ligne dans les jeux pratiqués dans les casinos "en dur".