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Cahuzac, Hadopi et la moralisation du politique

Quel rapport entre Hadopi, l'affaire Cahuzac et ses incidences sur la prétendue "moralisation de la vie politique" ? Un rapport beaucoup plus important qu'il n'y paraît.

Ainsi donc à 17 heures ce lundi, les Français connaîtront le patrimoine de leurs ministres. Ainsi donc d'ici quelques semaines ou quelques mois, si la rébellion parlementaire ne l'emporte pas d'ici là, les Français connaîtront le patrimoine de leurs députés, et leurs déclarations d'intérêts. Ainsi donc l'on croit que l'en interdisant certaines professions à l'Assemblée, les conflits d'intérêts vont soudainement disparaître. Que le seul intérêt défendu par le vote de la loi sera celui du bon sens et de la conscience. Que l'affaire Cahuzac sera balayée et reversée dans la poubelle de la mémoire collective. Que les soupçons de corruption des élites seront effacés. Que l'on pourra tourner la page et continuer.

Il n'en sera rien. 

Dans un sondage CSA (.pdf) publié le 11 avril dernier, 55 % des Français considéraient que "la plupart des politiques sont corrompus", et cette perception est forte même chez les cadres et professions libérales (56 %), que l'on croyait moins perméables au venin du soupçon. La classe politique dans son ensemble est méprisée, dans toutes les composantes de la population.

Et c'est parce que la corruption n'est pas que financière. C'est parce que la moralisation de la vie politique n'est pas que dans la prévention des conflits d'intérêts. Qu'un élu puisse être influencé par ses intérêts personnels ne poserait pas de difficulté particulière dans une démocratie en bonne santé, où les intérêts personnels des uns serait contrés par la recherche de l'intérêt collectif par les autres.

Or si la démocratie est malade, ça n'est pas parce que les politiques sont dans leur majorité corrompus par l'argent, mais parce qu'ils sont dans leur majorité corrompus par leur reniement des convictions et du bon sens. Corrompus par la primauté qu'ils donnent à l'obéissance au parti et à la défense de leurs intérêts politiques.

A cet égard, l'adoption de la loi Hadopi sous le précédent gouvernement avait été un signal d'alarme très fort. Nous l'avions écrit dès février 2009, lorsque nous avions demandé par provocation l'ouverture d'une enquête parlementaire sur Christine Albanel, suite à une liste incroyablement longue de faits et de prises de position incompréhensibles qui ont émaillé l'ensemble de la préparation et de l'adoption de la loi. Ils ont participé à faire monter le sentiment d'une corruption du législateur, car rien d'autre que la corruption ne pouvait expliquer ce que les Français voyaient.

Tout le long du débat parlementaire, les députés de l'opposition n'avaient eu de cesse de démontrer, avec des arguments d'une rare acuité, combien la riposte graduée était mal fondée sur le plan juridique (ce qui lui a d'ailleurs valu une première censure par le Conseil constitutionnel), combien elle était dépassée sur le plan technologique, et combien elle était contre-productive sur le plan économique. Or les Français, qui n'avaient jamais été aussi nombreux à suivre des débats parlementaires, ont vu. Ils ont vu le gouvernement rejeter un à un chacun des arguments par un simple "défavorable" hautin lancé par la ministre, et les députés de la majorité voter comme un seul homme le rejet de tous les amendements présentés. Ils ont vu les députés se précipiter en masse pour sauver un texte inique qui menaçait d'être rejeté. Ils ont vu certains élus défendre l'indéfendable avec une incroyable mauvaise foi.

Ils ont vu aussi les Socialistes se prêter à un jeu de rôles. D'un côté laisser quelques députés monter à la tribune pour s'attirer la sympathie des opposants au texte. De l'autre, une fois au pouvoir, tout faire pour retarder la suppression de la riposte graduée par la création de la mission Lescure, et pour laisser la Haute Autorité envoyer plus d'avertissements que jamais.

C'est là la vraie raison du sentiment de corruption généralisée qui empare le pays. Hadopi n'est qu'un exemple mineur à l'échelle des problèmes économiques et sociaux du pays, mais il est représentatif. Dans une démocratie saine, jamais le texte n'aurait été adopté tel qu'il a été proposé. Dans une démocratie saine, le rejet du texte ou la correction de ses nombreuses failles juridiques ou technologiques auraient été la preuve par les faits que la démocratie fonctionne correctement. Ca n'a pas été le cas, pas davantage que sur d'autres textes d'une importance majeure.

La moralisation de la vie politique ne se décrète pas. Elle ne s'impose pas par telle ou telle obligation de transparence. La transparence la plus importante de toutes existe déjà : celle des textes qui sont votés et imposés à l'ensemble de la Nation. Or l'on voit que cette transparence-ci ne change incroyablement rien. C'est une prise de conscience de la responsabilité du politique qu'il faut, et probablement un changement du fonctionnement des institutions et des partis politiques. Il faut que la corruption intellectuelle cesse.

C'est un chantier beaucoup plus lourd, beaucoup plus exigeant, mais sans aucun doute essentiel.