Une majorité de Français contre l'anonymat des blogueurs, ou mal informée ?
Tout est dans l'art de poser les questions.
Mais il faut aller chercher la fiche du sondage (.pdf) pour découvrir la question réelle posée aux sondés :
Le sénateur Jean-Louis Masson a déposé une proposition de loi visant à obliger les blogueurs à divulguer leur identité afin, dit-il, de pouvoir poursuivre ceux qui seraient "malfaisants".
Vous personnellement, êtes vous favorable ou opposé à cette proposition de loi du sénateur Masson ?
La question laisse penser que sans la réforme juridique souhaitée par le sénateur Masson, il n'est pas possible de poursuivre les "malfaisants" qui se dissimulent derrière l'anonymat. Or c'est bien évidemment faux. La loi fait obligation aux blogueurs de communiquer leur identité, non pas à leurs lecteurs comme le veut Jean-Louis Masson, mais à leur hébergeur. Lequel pourra être sollicité pour dévoiler sur ordre judiciaire l'identité du "malfaisant", si le blogueur est poursuivi en justice. L'anonymat n'est pas une immunité judiciaire, comme l'a démontré une affaire de dénigrement politique qui arrive devant la cour de cassation.
On peut douter que si l'on avait expliqué cela aux sondés, le résultat du sondage aurait été le même.
Mais dans son article publié ce jeudi, La Tribune s'enflamme. Le journal parle des 59 % comme d'une "très large majorité des Français", "massivement pour l'identification des blogueurs", et y voit "un score qui constraste avec le 'buzz' anti-Masson qui circule sur Internet".
Interrogé par le journal, le sénateur Jean-Louis Masson jubile. "Les allumés de l'Internet m'ont injurié, mais 1000 allumés, cela ne fait pas la France". Nous qui avions cru voir dans les dernières déclarations de Jean-Louis une tentative de rétropédalage, le voilà ragaillardi comme jamais. La France est derrière lui !
On peut apprécier, aussi, les propos du PDG d'Avanquest Bruno Vanryb qui, commentant le sondage qu'il a co-financé, estime qu'il est clair que "les internautes sentent bien le danger lié à l'anonymat". Il n'a peut-être pas vu que le sondage interrogeait les Français, pas uniquement les internautes.
"En dehors des plus jeunes adeptes des messageries instantanées - et forcément moins informés des dangers liés aux manipulations d'information - tout le monde comprend bien que la non-possibilité de vérifier d'où vient une information relayée par des non-professionnels autorise les pires excès", ajoute-t-il, en assurant que sur Internet, "les modérateurs passent leur temps à supprimer des messages à caractère raciste ou attaquant directement les personnes, et malgré cela les fils de discussion restent chargés d'agressivité et de calomnies". On ne doit pas fréquenter les mêmes forums.