Et si c’était possible ? La théorie d’une monnaie quantique n’a que des avantages sur le papier : elle serait la première forme de monnaie inviolable. Mais avant d’arriver à une carte bancaire quantique, il reste quelques étapes. Des Français ont toutefois réalisé la première expérimentation sortant pour de bon la monnaie quantique de la pure théorie.

Le 30 janvier, le CNRS rapportait la parution d’un article d’origine française dans le npj Quantum Information, un journal partenaire de Nature : Experimental investigation of practical unforgeable quantum moneyRédigé par un groupe de Français, dont Mathieu Bozzio, doctorant à Télécom ParisTech, l’article détaille la réussite de la mise en pratique d’une théorie ancienne : la technologie quantique permettra de créer un moyen de paiement théoriquement inviolable.

Jusque-là, seule une expérimentation avait permis de donner à cette idée une quelconque réalisation : mais elle fut réalisée pour en souligner ses lacunes de sécurité. Les Français sont donc les seuls à pouvoir se targuer d’avoir été les premiers à implémenter un protocole de monnaie quantique sécurisé.

CC. Groman123

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Auparavant, ni les détecteurs de photons ni la mémoire quantique n’avaient atteint un niveau de développement suffisant pour créer un système monétaire quantique. À l’heure où seules les communications quantiques s’inscrivent dans le réel, les Français ont avancé leurs pions pour montrer un nouvel usage.

 Théorème d’impossibilité du clonage quantique

Aujourd’hui, « le protocole expérimental est prêt », s’enthousiasme auprès de Numerama Mathieu Bozzio. Et s’il nuance, « ce n’est pas demain que nous aurons une carte bancaire quantique dans nos poches », le jeune chercheur est fier d’inscrire ce travail dans l’ensemble de la recherche mondiale sur l’informatique quantique.

Pour bien comprendre l’intérêt d’un tel progrès, il faut revenir au théorème d’impossibilité du clonage quantique tel qu’énoncé en 1982 par Wootters, Zurek, et Dieks. Il expose qu’un code quantique ne peut être dupliqué.

« la probabilité de trouver est infime »

Comme le rappelle M. Bozzio, la différence la plus évidente entre le code classique et le code quantique est l’ajout de paramètres inconnus, les bases de mesure, au code que l’on voudrait cloner. C’est ce qui sépare le qubit du bit classique pour simplifier. Ainsi, le chercheur français nous détaille : « Si je voulais copier votre carte bancaire, je prendrais le numéro inscrit dessus. C’est copié et cloné, je peux l’utiliser. Dans le cas d’une carte bancaire quantique, il faudrait non seulement copier les numéros, mais également connaître la base de mesure pour dévoiler l’information contenue dans le qubit qui forme la carte. » Encodé avec des particules, le code devient impossible à cloner sans introduire d’erreurs qu’une banque pourrait détecter.

CC. Pixabay

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« Il faudrait deviner chacune des bases associées : la probabilité de trouver est infime. » Ajoutons que cette probabilité devient encore moins envisageable dès lors qu’il s’agit de deviner la base des 1  000 000 de qubits qui forment par exemple le code d’une carte bancaire.

À la recherche du photon perdu

« Là, nous parlons d’un monde parfait, précise le chercheur, la réalité est faite de pertes qui nous obligent à imaginer une marge d’erreur. » Ainsi, la banque qui vérifiera la validité du code quantique sera obligée de considérer l’éventualité que certains photons disparaissent, ou que des états, imprévisibles, soient inexacts. Dès lors, la mission des Français a été de définir la probabilité de ces erreurs et imaginer un seuil d’exactitude suffisant pour éviter les clonages sans rejeter un code touché par des pertes.

C’est là que le défi est déterminant pour la monnaie. Il fallait prouver qu’une sécurité satisfaisante est possible en dehors de la théorie. « Lors de la génération d’une carte bancaire quantique, il peut y avoir des erreurs par rapport aux états demandés et aux états générés. Ensuite, on perd également des photons naturellement. Enfin, lors de la mesure, les détecteurs de photons peuvent également détecter moins de photons qu’ils ne devraient », énumère le chercheur français lorsqu’on l’interroge sur les pertes possibles.

CC. john

CC. john

Les planètes s’alignent toutefois pour une telle solution. Les détecteurs de photons, en constante amélioration, ont permis à notre équipe française d’imaginer cette expérimentation pionnière. Le développement de la mémoire quantique, bien qu’encore balbutiant, va permettre au groupe d’appliquer sa solution dans une mémoire et ainsi obtenir une carte bancaire presque utilisable. Toutefois, « au mieux, elle durera quelques microsecondes », avant d’être perdue à jamais. La faute aux mémoires quantiques, très loin d’être prête pour que nous puissions utiliser une telle solution au quotidien.

Alors que les Chinois parviennent à échanger des clefs quantiques grâce à un satellite, la France peut s’enorgueillir d’une telle prouesse expérimentale qui vient donner vie et lumière à la théorie d’une monnaie quantique. Cette dernière, sur le papier, donne à rêver sur le pouvoir de l’informatique quantique appliquée au réel.


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