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Critique de Ça : oui on tremble, mais pas de quoi en faire un cirque

Adaptation de l'un des romans les plus célèbres de Stephen King, Ça d'Andy Muschietti était attendu par les cinéphiles et les fans du romancier. Il l'est d'autant plus en France depuis l'incroyable plébiscite presse et public qui a porté sa sortie aux États-Unis, le 8 septembre 2017. Sorti le 20 septembre de notre côté de l'Atlantique, le long métrage est-il à la hauteur des attentes portées par le buzz ?

L'année 2017 est pleine de surprise pour l'industrie cinématographique hollywoodienne. Alors que les gros blockbusters de la saison ont contre performé au box-office, des films d'horreur à petit budget ont rencontré un très large succès, à l'image de Get Out ou Split. C'est également le cas de la nouvelle adaptation de Ça, réalisée par Andy Muschietti (Mama) et produite par Warner Bros pour 35 petits millions de dollars, et qui a déjà réuni près de 117 millions dès son premier week-end d'exploitation.

Cette nouvelle adaptation du roman du même nom de Stephen King raconte l'histoire d'un groupe de jeunes adolescents américains confronté à une force maléfique. Habitant dans la ville de Derry, où le taux de disparition d'enfant est largement plus élevé que dans le reste des États-Unis, le groupe va être alors confronté à une série d'évènements étranges, avant de rencontrer le célèbre clown Pennywise, pouvant prendre la forme des peurs les plus profondes de ces enfants.

Véritable phénomène industriel avant même sa sortie en France, d'autant plus poussé par les retours critiques — 85 % sur Rotten Tomates — et publics —  c'est « mon film préféré du siècle » pour Xavier Dolan  — qu'en est-il vraiment de ce nouveau Ça ? Est-ce le chef-d’œuvre tant vanté sur les réseaux sociaux ? Comme souvent, lorsque le train de la hype va trop vite, il déraille : cette nouvelle adaptation du roman culte de Stephen King réunit de nombreuses qualités et se révèle efficace… mais c'est à peu près tout.

Des « losers » très attachants

Cette version 2017 de Ça démarre sur des chapeaux de roues, avec l’introduction du personnage principal, Bill (Jaeden Lieberher) et de son petit frère Georgie. Une scène sobre, qui pose avant tout une ambiance et synthétise parfaitement toutes les qualités du film. La mise en scène est élégante, et d’entrée de jeu, le film arrive à captiver grâce à son soin de l’image et du son assez remarquable.

Passé ces premiers instants, le long métrage va petit à petit introduire sa galerie de personnages adolescents, définissant ainsi leurs caractères propres ainsi que la dynamique de groupe qui va porter l’intrigue. Car l’une des plus grandes qualités du film réside — étonnamment, pour un film d'horreur récent — dans l’alchimie palpable entre les jeunes protagonistes, interprétés par une brochette de rookies des plus prometteurs.

On peut ainsi noter l’implication de l’acteur principal, déjà aperçu dans Midnight Special de Jeff Nichols, mais également l’émotion transmise par Sophia Lillis, véritable révélation du film. Globalement, toute la jeune troupe est convaincante, grâce aux répliques rythmées qu'elle échange et qui font souvent mouche, créant un attachement immédiat pour cette bande de « losers ». Toute l'empathie ressentie tient à ce lien entre personnages, qui donne un enjeu particulier à toutes les scènes effrayantes.

Si Ça se veut un film d’horreur à l’ancienne, il n’oublie pas de développer la psychologie de son jeune groupe en la confrontant à des problématiques fortes : découverte de leur sexualité, rapport aux autres et, surtout, aux parents, contexte social... Des thèmes intéressants, pas toujours développés avec la même importance, mais qui apportent un vernis singulier pour le jeune public qui voudra s'offrir une petite frayeur. Ce n’est pas toujours très subtil, mais ça a le mérite de proposer un véritable point de vue, assumé jusqu’au bout.

« Tu flotteras toi aussi »

Le développement des personnages, tout du moins au début du film, se fait parallèlement aux apparitions régulières d’étranges visions, chaque jeune ayant le droit à son moment singulier, presque à tour de rôle. Et force est de constater que le film se révèle très efficace lorsqu'il s'agit de faire monter la tension.

À l’image de son introduction maîtrisée, chacun de ces passages monte crescendo, en recourant à des techniques de mise en scène certes éculées, mais qui fonctionnent. On notera par exemple une utilisation astucieuse du décadrage, même si celle-ci, à force d'être utilisée, devient un peu trop récurrente à la longue et perd en puissance.

C’est en cela que le film peut décevoir : si les moments fantastiques sont des plus efficaces — bien aidés par la photographie somptueuse de Chung-hoon Chung, le directeur de la photographie de Old Boy et Mademoiselle —, il peuvent se révéler légèrement répétitifs et jamais vraiment surprenants. Cela constitue autant une qualité qu'un défaut : le réalisateur connaît ses classiques, et arrive en conséquence à rendre la peur palpable la majorité du temps, mais sa mise en scène ne sort jamais des sentiers battus. Il peine à créer le moindre malaise une fois qu'est levée une bonne partie du mystère sur la nature de la menace qui plane sur les enfants.

Essoufflement progressif

La musique de Benjamin Wallfisch est assez symptomatique du problème, avec un thème angoissant, qui perd lui aussi en efficacité tout le long du film. Le travail sur le son est là pour accompagner la mise en scène, en s’inspirant des classiques du genre. On notera d’ailleurs les qualités de cette mise en scène, qui épouse le script et se met au service de l’objectif principal du film : effrayer ses spectateurs en usant aussi bien de l’ambiance que des coupures de rythmes. Ne vous attendez pas à des jump scare à répétition : le réalisateur n’en abuse pas.

L’une des idées les plus marquantes reste l’utilisation de longs plans aériens, apportant une forme de fascination et de recul sur le lieu de l’action, la ville de Derry, centrale dans le roman de Stephen King. Une idée qui a déjà fait ses preuves dans True Detective, de Cary Fukunaga, le réalisateur qui avait porté ce projet de remake de Ça avant de quitter la production en raison d'un différend créatif.

Arrivée dans sa dernière partie, le film semble se rebooter en proposant une scène semblable à l’introduction du film, du moins dans son efficacité et dans le minimalisme de la mise en scène. Mais une fois passé ce choc, le long-métrage semble dérouler vers sa résolution de manière assez automatique, plus du tout surprenante même si l’attachement aux personnages maintient l’intérêt du spectateur.

Le manque de rebondissements du film se fait d’autant plus ressentir que sa conclusion appuie un peu trop sur le fait qu’une deuxième partie est inéluctable, et que ces jeunes adolescents devraient recroiser la route de Ça d’ici quelques dizaines d’années. Des gros sabots qui finissent de rendre le film commun et bien loin des qualificatifs élogieux que l’on a pu lire depuis sa sortie aux USA.

Un film d’horreur efficace justifie-t-il la hype ?

Au sortir de la salle, le constat est mitigé : le film était réussi, j'ai été touché par des personnages attachants tout en subissant quelques terribles frayeurs, mais difficile de garder quelque chose du propos, de la mise en scène ou même de l’histoire racontée. Certes, l’idée fondatrice sur la nature de Pennywise est diablement bien trouvée, astucieuse, lui qui peut s’adapter à la peur de chaque personne pour ne pas en rester à la figure emblématique du clown… Mais parallèlement, le film est finalement bien trop sage en termes d’écriture ou de mise en scène.

Alors qu’à l’origine, le projet de remake était porté par un Cary Fukunaga soucieux d’apporter sa patte, l’impression qu’Andy Muschietti s’est effacé derrière l’œuvre originale persiste au vu de la sagesse de sa copie. Tout paraît classique, limite déjà vu, mis à part quelques effets visuels. Ceux-ci sont globalement réussis, à quelques ratés près, tels que des problèmes de montage, notamment dans la scène finale, poussant un des spectateurs présents à s'écrier : « super, le film qui se termine sur un faux raccord ! ». On citera aussi des fonds verts finis à la truelle, qui viennent ternir la qualité visuelle du métrage. Rien d’étonnant à ce qu’une version Director’s Cut soit ainsi d’ores et déjà annoncée.

Techniquement solide, mettant efficacement en image un script bien construit, mais sans folie, et porté surtout par des acteurs attachants, Ça semble être le Insidious de 2017 : un film qui revient aux classiques de l’horreur pour en utiliser codes et techniques de mise en scène. Seulement, rien ne transcende véritablement cette histoire cousue de fil blanc, qui flirte souvent avec les clichés et stéréotypes sans jamais les embrasser pleinement pour autant.

https://www.youtube.com/watch?v=uz5o5WPOf9A