Après des années d’attentes et de teasing, Batman v Superman : l’Aube de la justice sort enfin sur les écrans. L’occasion de vérifier si le film mérite ses critiques désastreuses.

Malgré un teasing aussi agressif que bien ficelé et un plan comm’ français qui tournait au ridicule, nous avons patience gardé pour assister à ce qui serait — on nous l’a promis –, le match du siècle, le choc des titans. Et puis le mercredi tant attendu est finalement arrivé, et avec lui le nouveau blockbuster de Zack Snyder. Trois ans après la sortie du premier film de l’univers cinématographique DC, la Warner était prête à renouveler l’expérience avec Batman v Superman : l’Aube de la justice.

Il était une suite

Sorti en 2013, Man of Steel offrait un certain renouveau au style vu et revu, teinté de bonhommie, des films de superhéros. La main de Snyder donnait une certaine gravité à ce canon bas et usé du blockbuster hollywoodien en totale opposition à la légèreté du genre imposée par Marvel. Jugé froid et dur, Man of Steel avait pu froisser quelques irréductibles fans. Ceux-là ne seront pas plus épargnés par Batman v Superman.

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Plus qu’une suite, l’Aube de la justice reprend en effet le climat instauré à la fin du premier volet et s’en sert pour nourrir son propos. Le spectateur est amené à revivre le combat de Métropolis, celui qui opposait le Général Zod à Superman, mais cette fois-ci du point de vue de l’observateur extérieur incarné par Bruce Wayne. À travers la perspective, le réalisateur cristallise et répond aux critiques qui trouvaient indigne du superhéros la débauche de violence de la bataille et l’apparent mépris pour les pertes humaines. « C’était voulu », semble nous dire Snyder, qui érige la balance des pouvoirs en ligne directrice du film.

De bons points

Le réalisateur a choisi d’installer son scénario au sein d’une narration croisée, dans un style paratactique qui semble alterner d’un personnage à l’autre en faisant fi de toute transition logique. On va ainsi de Bruce Wayne à Clark Kent, en passant par Lex Luthor, tous trois installés sur une trajectoire prédestinée, tension dramatique oblige, à la collision.

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Jesse Eisenberg (The Social Network) incarne un jeune Alexander Luthor, psychopathe manipulateur, riche et ambitieux, tandis que Ben Affleck joue un Batman riche et bourru. Henry Cavill revient dans le rôle d’un Superman autoréflexif, sensible au fait que son besoin de paix est au moins égal à son potentiel de destruction. Les deux nouveaux protagonistes se nourrissent du doute et des errements de l’homme d’acier, balancés entre le désir et la crainte de son pouvoir.

« Les dieux marchent parmi les hommes »

Le film de Snyder arrive à nous surprendre sur quelques points, comme la dureté de sa mise en scène et la profondeur — toute relative — de certains dialogues. La première partie de l’Aube de la justice, dans laquelle sont posées les bases de la dispute, se distingue particulièrement du reste du film. Par son ton solennel — certains diront pompeux –, magistralement renforcé par la musique (signée Zimmer & Junkie) on ne peut pas s’empêcher de voir un peu plus dans le film qu’un simple blockbuster.

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Le film installe une réflexion sur la place de l’homme dans l’univers à travers toute une mythologie créée autour de la figure du héros, devenu « nouveau dieu ». D’inévitables tensions entre les héros et la population viennent remettre en question la place du surhomme dans la société. Est-ce un bien, ou un mal nécessaire, s’interroge l’opinion  ? Mais qu’est-ce que le bien finalement, se demandent ensuite des chroniqueurs sur fond de talk-show en balançant des arguments, misothéistes pour certains, ou plus favorables pour d’autres moins sceptiques. Bref, ça part loin.

Hélas, l’épaisseur inattendue du scénario se frotte inéluctablement à la simplification, et la sobriété esthétique n’a pas pu s’empêcher de tomber dans la surenchère des scènes de batailles.

Le résultat n’est pas à la hauteur

Mais si Batman v Superman réussit la peinture psychologique d’une société en pleine « révolution conceptuelle, en plein changement de paradigme », pour reprendre les mots de Lex Luthor, il échoue misérablement dans la représentation du conflit entre les personnages.

La première partie introduit les raisons profondes qui vont amener à la bataille entre les héros : on assiste par exemple au conflit intérieur d’un Batman tout de rage, obnubilé par l’idée de vaincre Superman. Dans l’autre moitié, les deux héros mettent leurs cerveaux de côté et décident de se taper sur la tronche, parce qu’il faut bien donner au spectateur le combat mythique qu’il est venu voir. Et il n’y a rien de problématique à cela en soi, si ce n’est que cette scène tant attendue n’est motivée que par la nécessité de paraître et par rien d’autre.

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Quand il se donne à la surenchère d’effets visuels, Snyder fait ce qu’il préfère, mais il perd maladroitement son spectateur au passage, qui est resté de son côté dans la représentation théorique du schisme. Plus grotesque encore est la rapidité avec laquelle on zappe toute animosité, on range au placard batclaques et super pouvoirs, parce qu’il « faut bien être copains entre gentils ».

En réconciliant pour la vie les deux héros, le film révèle son véritable but. Loin d’être la bataille de gladiateurs que tout le monde attendait, il n’est qu’un prétexte, une bande-annonce de deux heures et demie pour le prochain film de l’univers cinématographique DC. On comprend ainsi dès le moment où l’intrigue autour de Wonder Woman est introduite, que le film aurait en fait dû s’appeler l’Aube de la Justice League.

Batman v Superman réussit pendant un temps à nous surprendre par la représentation originale de la psychologie de deux êtres torturés, alors qu’ils réalisent que ce qu’ils pensaient détester n’est pas l’autre, mais l’image que l’autre renvoie d’eux-mêmes. Dommage alors que la réalisation de Snyder se vautre dans la médiocrité habituelle du genre à coup de CGI, pour mieux nous vendre les prochains volets de la franchise. En soi, l’Aube de la justice est une victime du temps. Sorti plus tôt, nous l’aurions sûrement jugé différemment ; mais aujourd’hui, il n’est qu’une preuve supplémentaire de l’essoufflement du genre.


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