Mais que se passe-t-il dans la vie surexcitée de Kanye West pour qu’il soit devenu aussi provocant sur Twitter ? Peut-on encore comprendre le « cas Yeezy » ? Point d’étape sur sa déroute, son album et Mark Zuckerberg.

Kanye West a sorti dimanche dernier son album très attendu : The Life Of Pablo. La sortie de l’album a été plutôt chahutée et le précieux n’est toujours disponible que sur Tidal, où il parvient tout de même à battre des records. Et cet album a ému le Tout-Twitter car la raison d’une telle attente n’était pourtant pas musicale. Le rappeur a également sévi dans la provocation sur le réseau social. Nous étions pourtant habitués à voir son clan se pavaner sur les réseaux, le garçon étant marié avec Kim Kardashian, aussi connu comme l’inventrice américaine de la post-célébrité. Mais cette fois, Kanye est en roue libre.

Source : Chris Piascik

Source : Chris Piascik

Le rappeur s’avoue endetté de 53 millions de dollars alors qu’il en a gagné 22 millions rien que l’année dernière selon Forbes. Il demande en outre à Mark Zuckerberg, CEO de Facebook, de faire preuve de générosité pour financer « les idées de Kanye West ». Mais que s’est-il passé dans la tête du rappeur pour en arriver là ?

https://twitter.com/kanyewest/status/699107584163364864

Non, kanye west n’est pas à la rue

Il faut déjà en finir avec une idée qui commence à se diffuser dans les médias : non, Kanye West n’est évidemment pas ruiné. La fameuse dette dont le rappeur parle dans ses tweets, ces 53 millions de dollars, semblerait être en fait le total de sa fortune personnelle investie dans le développement de ses projets dans la mode depuis 13 ans.

https://twitter.com/kanyewest/status/699503775053193216

Et il y a évidemment en jeu dans sa démarche artistique ce même motif qui revient toujours : la capacité de créer, remerciant tour à tour Dieu et Adidas de lui permettre d’être l’artiste qu’il veut et d’avoir la capacité d’investir dans sa vision. Kanye West pose en fait un problème assez simple : la modernité exige d’une célébrité une capacité de créer et produire en masse un univers sans pour autant qu’un mécénat soit encore possible. Et on ne peut le contredire : que serait Yeezy sans ses vêtements ou ses shows grandiloquents ? Pas grand chose.

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On pourrait répondre à Kanye West de demander de l’argent à sa maison de disques, qui est, après tout, l’organisme qui se charge de le produire. Les fonds sont insuffisants et ne garantissent aucunement sa fameuse capacité à créer. Car c’est l’aspect moderne du problème des artistes de son rang : ils ne peuvent innover en restant dans l’industrie musicale telle qu’on la connait et en sortant de celle-ci, il faut créer sur fonds propre. D’où Tidal et son échec.

Le discours de Kanye est-il intéressant ?

Peut-on relier sa prise de position à son souhait de ne jamais sortir son album sur les plateformes Apple ? Probablement, puisque Tidal est une plateforme fondée, rappelons-le, par son ami Jay-Z, dont les revenus seraient plus équitablement reversés aux artistes. Et à l’instar de Rihanna récemment, l’exclusivité sur Internet d’un album est devenue en soi une nouvelle forme marketing de la pop culture, un procédé déjà utilisé à de nombreuses reprises par les artistes considérés comme innovants comme Beyoncé qui avait réalisé  un album par surprise disponible immédiatement sur le net. Mais qui exige à l’évidence une capacité d’investissement en fonds propre.

Deux choses apparaissent alors : d’une, on ne s’appelle pas Kanye West en sortant son album comme tout le monde ; de deux, il faut bien payer sa mégalomanie quand le streaming d’une chanson ne rapporte presque rien.

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Que fait alors Kanye West ? Sans prétendre tenter plus longtemps une psychologie inversée à propos des tweets du rappeur, il est certain que Kanye marque son territoire artistique, popularise sa démarche et nous rappelle dans quel monde artistique nous vivons depuis l’émergence du tout streaming et l’inéluctable recul du mécénat des maisons de disques.

Bien sûr, on peut s’inquiéter du bien fondé de financer les délires les plus insolents d’un rappeur. C’est insolite et grotesque, notamment de le voir se retourner vers Mark Zuckerberg, qui a récemment annoncé que sa fortune serait consacrée essentiellement à des œuvres de charité. Surtout pour financer ses projets ubuesques. Reste que la question demeure : quel business model pourrait sauver ces nouvelles entreprises du web que sont les célébrités ?

Après le show monumental du Madison Square Garden, la sortie bruyante de son album, la mégalomanie sur les réseaux sociaux est le dernier must-have de tout bon rappeur.

Comme tout producteur de contenu disponible sur le web, les artistes doivent repenser leur proposition artistique dans un monde où il sont devenus des entreprises web comme les autres. Et où le business model est si dur à assurer au milieu d’une concurrence et un marché déstabilisé.

Mais, alors, y a-t-il quelque chose à sauver du discours-tweet de Kanye, un embryon de solution au problème qu’il pose ? Peut-être notre regard sur sa performance de game-changer artistique qui a trouvé sur Twitter son dernier terrain de jeu et l’expansion de son territoire artistique. Après le show monumental du Madison Square Garden, la sortie bruyante de son album, la mégalomanie sur les réseaux sociaux est le dernier must-have de tout bon rappeur. Quitte à, dans un grand paradoxe, éclairer sur son statut d’icône que tout le monde écoute mais que personne ne paie…

https://twitter.com/kanyewest/status/699505761970425856


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