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Facebook refuse de porter la responsabilité des discours haineux à la place des gouvernements

Facebook mène la charge contre le projet de loi allemand qui prévoit une amende de 50 millions d'euros contre les réseaux sociaux qui ne suppriment pas les contenus illégaux (discours haineux, propagande terroriste) postés sur leur plateforme. L'entreprise estime que les gouvernements doivent rester responsables de la lutte contre de tels contenus.

Le ton monte entre Facebook et l'Allemagne : le réseau social a fait connaître son opposition au projet de loi qui envisage des amendes conséquentes -- jusqu'à 50 millions d'euros -- contre les réseaux sociaux qui tardent à supprimer un contenu illégal (incitation à la haine, discours raciste ou homophobe, propagande terroriste...) en moins de 24 heures.

Dans sa déclaration, Facebook se montre particulièrement virulent : « La loi ne peut pas transférer ses propres lacunes et responsabilités aux entreprises privées. La prévention et la lutte contre les discours haineux et les fake news est une responsabilité publique que l'État ne peut esquiver. » Le réseau social, qui évoque par ailleurs la position de juristes  considérant ce texte comme contraire à la Constitution allemande et non conforme à la loi européenne, souligne aussi : « Le montant des amendes n'est pas proportionnel au comportement qui serait sanctionné. »

Si le ministre de la justice, Heiko Maas, s'est refusé à tout nouveau commentaire après cette déclaration, ses interventions récentes à ce sujet laissent peu de doute quant à sa volonté de voir aboutir le texte. Le 18 mai, celui qui considère Facebook comme un média affirmait ainsi : « Ni les réseaux sociaux, ni les agences de l'État ne détermineront les standards déterminant ce qui doit être effacé. Les seuls éléments compétents sont les lois adoptée démocratiquement par le [Parlement]Chacun doit les respecter au quotidien. Les réseaux sociaux doivent y souscrire et ne plus permettre, sur leur plateforme, des abus permettant de commettre des crimes. »

Craintes pour la liberté d'expression

Le projet de loi, évoqué dès mars 2017, a depuis fait l'objet d'une atténuation demandée par les défenseurs de la liberté d'expression : l'amende de 50 millions d'euros reste inchangée mais ne peut être appliquée dès la première infraction. Celle-ci doit être répétée avant toute première sanction.

Ce texte, qu'Heiko Maas s'est engagé à faire adopter par le Parlement d'ici juin 2017, alimente en effet depuis des mois le débat en Allemagne -- tout en provoquant des émules au Royaume-Uni -- sur la proportionnalité des sanctions envisagées comme sur les menaces planant potentiellement sur la liberté d'expression, elles-mêmes évoquées par Facebook : « L'amende disproportionnée qui pèse sur les réseaux sociaux incite[rait] à supprimer du contenu qui n'est pas clairement illégal. »

Le cas de Markus Hibbeler, photojournaliste et blogueur, est emblématique de cette fine frontière. Il redoute que les réseaux sociaux préfèrent se montrer excessivement prévenants plutôt que de risquer une amende. L'intéressé explique ainsi : « Il m'est arrivé de signaler un message de salafiste qui indiquait comment mener un [attentat] avec un camion et cela n'a pas été effacé pour violation des règles d'utilisation. En revanche, un appel à la liberté d'expression et à la critique contrevient à ces règles. Ce n'est pas possible, il s'agit de deux poids, deux mesures. »

Les failles des équipes de modération

Markus Hibbeler s'est ainsi vu bannir de Facebook pendant une semaine pour un message -- supprimé par la modération -- critique de la communauté musulmane et de l'islam, qu'il jugeait « surprotégés ». Face aux menaces de poursuite judiciaire formulées par Markus Hibbeler, Facebook s'est depuis excusé de l'« erreur » d'un employé et a republié le message incriminé.

Mais cette affaire illustre bien l'autre problème sous-jacent à la persistance de contenus illégaux : les limites et les failles de la modération humaine chargée de traiter les contenus signalés.

Une enquête du quotidien Süddeutsche Zeitung publiée fin 2016 pointait ainsi du doigt les conditions de travail très difficiles des 600 modérateurs installés à Berlin qui travaillent pour Facebook à un salaire dérisoire et au terme d'une formation sommaire. Leur quotidien consiste à gérer près de 2 000 messages par jour, souvent à caractère violent, pornographique ou potentiellement traumatisant.

Facebook en position d'équilibriste

Dans sa dernière déclaration, Facebook se dit évidemment prêt à intensifier sa lutte contre les contenus haineux et les fake news : « [Nous sommes dévoués] à un travail en partenariat avec les gouvernements et la société civile pour trouver des solutions qui rendront cette loi inutile. » En mai 2016, Facebook s'était engagé auprès de la Commission européenne, au même titre que Microsoft, Twitter et Google, à supprimer en moins de 24 heures les contenus illégaux signalés.

Si Facebook a récemment modifié ses algorithmes pour moins mettre en avant ce type de contenu dans ses fils d'actualité, le réseau social qui refuse de devenir un « arbitre de la vérité », semble difficilement pouvoir endiguer le phénomène en déléguant, comme il le fait, le traitement de ces contenus à des tiers (comme des fact-checkers et des journalistes dans le cas des fake news),

Le recrutement progressif de 3 000 modérateurs supplémentaires paraît lui aussi dérisoire au vu du nombre de contenus postés chaque jour sur cette plateforme qui revendique près de 2 milliards d'utilisateurs mensuels... et des millions de signalements hebdomadaires de contenu inapproprié. Reste à savoir si le premier pas de l'Union européenne vers une législation commune aboutira à une avancée concrète, alors qu'à ce stade, l'atteinte (potentielle) au porte-monnaie de ces plateformes semble rester la solution la plus efficace pour les inciter à réagir.