La télévision, Internet ou les jeux vidéo ne cessent d’alimenter les craintes des parents. Face aux dangers réels ou fantasmés, tous adoptent des stratégies différentes pour garantir à leur progéniture la meilleure éducation possible. Numerama tente de faire le point sur la question.

Ecrans et enfants. Voilà une question qui ne cessera d’alimenter la polémique. Entre crainte de ces supports et reconnaissance de leur apport, les parents hésitent, et ne manquent pas de faire émerger de profondes contradictions. Gulli, l’éditeur français de chaînes jeunesse vient de mener une étude sur la question et publie des chiffres intéressants.

Sur le danger des écrans d’abord. On note que la première des craintes reste Internet, les deux tiers des interrogés y percevant les risques encourus par leurs têtes blondes d’être exposées à des scènes de violence ou de pornographie. Mais, d’un autre côté, si la moitié des parents possèdent un logiciel de contrôle parental, la plupart ne prennent pas la peine de l’activer. On connaît les limites de ce genre de logiciel mais à défaut d’une surveillance assidue du surf d’un enfant, pourquoi ne pas utiliser au minimum cette simple solution ? D’autant plus qu’il en existe des gratuites. Vous en trouverez sur notre chaîne de téléchargement.

Sur l’idée de l’enfant absorbé par ses jeux vidéo. L’absence d’échange avec les familles et amis pour les consoles de jeu est la deuxième crainte exprimée par les parents. Mais contrairement aux idées reçues, jouer n’exclue pas forcément l’échange. Cela n’amène pas à cet état « d’asociabilisation » dont le mythe est souvent entretenu sans justification particulière.

Il convient d’abord de relativiser le temps consacré aux jeux vidéo. D’après l’étude, 45 % seulement des enfants passent plus de la moitié de leur temps de loisirs devant un écran. On aurait pu s’attendre à une plus grande proportion, d’autant que ce chiffre regroupe autant le temps passé devant la télévision que devant une console ou un ordinateur. De plus, presque tous les parents (99 %) utilisent au moins un moyen de contrôle pour imposer à leurs enfants une limitation d’utilisation, la plupart la faisant passer par des restrictions de temps. Si les enfants passent trop de temps à leur goût devant les écrans, ne doit-on pas y voir l’occasion d’affirmer leur autorité, plutôt que de considérer ces écrans comme des ennemis à abattre ?

Ensuite, une grande partie des parents estiment qu’Internet, la télévision ou les jeux vidéos sont propices aux échanges. C’est un fait que de nombreux sociologues se sont attachés à montrer. Les écrans ne sont pas des canons bombardant le spectateur, le surfeur ou le joueur d’informations laissant ce dernier dans un état presque végétatif. Ils donnent lieu à une réception active, une réinterprétation qui peut prendre la forme d’échanges autour des contenus. Quand les parents se plaignent d’un manque de communication, peut être devraient-ils commencer par se demander si ce ne sont pas eux, qui justement ferment toute possibilité de communication en refusant plus ou moins consciemment de s’intéresser à une technologie qui les dépasse. Notons d’autre part qu’une console comme la Wii favorise la participation, et que de nombreux titres offrent un mode multi-joueur grâce à Internet. Et qui dit Internet, dit échange.

Enfin sur l’éducation. Les parents regrettent la pauvreté des contenus éducatifs sur Internet (67 %) ou la télévision (44 %). La console, elle, est d’office disqualifiée car considérée comme un outil de jeu avant tout. Souligner la pauvreté de contenus éducatifs d’Internet reste assez étrange quand on considère l’immense réservoir d’informations qu’il se révèle être. Simplement, tout comme la télévision, il est victime de cette image, qui fait passer les contenus racoleurs au premier plan. Mais dans les deux cas, tous types de contenus peuvent s’y trouver. Il suffit simplement de savoir où aller.

En fait, c’est surtout la vision de l’éducation qu’entretiennent la plupart des parents – mais peut être aussi un peu l’école – qui place ces deux canaux dans le collimateur. Celle qui veut que l’enfant s’enferme dans sa chambre pour « faire ses devoirs » et n’en resortir qu’une fois la tâche accomplie. Bien sûr, ce travail reste nécessaire, mais les pédiatres vous le diront ; la meilleure éducation d’un enfant est celle qui passe par l’échange avec un adulte. Quelques minutes consacrées par un parent à son enfant devant un contenu, aussi trivial soit-il, valent bien plus pour sa construction personnelle que de laisser ce dernier seul devant un autre contenu qu’on aura jugé « éducatif ». L’étude montre qu’Internet et la télévision donnent le sentiment aux parents de mieux appréhender l’univers de leur enfant et donc, par réciprocité, aux enfants de mieux comprendre la vision du monde expliquée par leurs parents. Or, n’est-ce pas ici l’essentiel ?

Les écrans comportent, il est vrai, leur lot de danger. Mais les considérer uniquement dans ses travers est à éviter. Leur non-maîtrise est perçue aujourd’hui comme une forme d’illettrisme. L’impératif, c’est donc de composer avec, en échangeant notamment avec l’enfant plutôt que d’opter pour le bannissement systématique.


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