C’est le première fois qu’un individu est condamné personnellement pour le simple fait d’avoir créé un logiciel de Peer-to-Peer. Isamu Kaneko, un chercheur japonais auteur du logiciel Winny, a été reconnu coupable et condamné par un tribunal de Kyoto. Les développeurs japonais s’inquiètent.

Alors que le procureur avait requis un an de prison contre l’auteur du logiciel Winny, Isamu Kaneko est finalement condamné à payer 1,5 millions de Yens d’amende (environ 9.700 euros) par le tribunal d’instance de Kyoto. A 35 ans, ce chercheur de l’Université de Tokyo était poursuivi pour avoir développé en mai 2002 un logiciel de partage de fichiers en peer-to-peer, Winny, inspiré du protocole de P2P sécurisé Freenet.

Malgré un jugement très en deça des attentes du parquet, c’est le principe même de la condamnation qui secoue les informaticiens japonais. Contrairement à des précédents aux Etats-Unis comme Grokster ou Morpheus, ou Kazaa en Australie, Kaneko n’a jamais exploité Winny commercialement et n’a semble-t-il jamais encouragé à l’utilisation de son logiciel à des fins illicites. S’il a été condamné, c’est pour le simple fait d’avoir mis au point une technologie sans prévenir les dommages qu’il aurait dû anticiper.

La doctrine s’oppose pour juger le jugement

Dans les attendus du jugement, le juge a critiqué le chercheur japonais pour son égoïsme et son irresponsabilité, rapporte le Daily Yomiuri. Il était « conscient des dommages à la société que causerait son logiciel« , indique le juge. Koichiro Kimuran, qui dirige la Ligue des Ingénieurs en Logiciels, s’est immédiatement ému de la décision du tribunal. « Le jugement va stopper le développement de technologies de l’information au Japon. Les programmeurs ne voudront plus développer de nouvelles technologies« , a-t-il condamné.

Le professeur Takeshi Tsuchimoto, de la faculté de Droit de l’Université de Hakuoh, comprend le jugement et en tire les premières conclusions. « Kaneko n’a pas essayé d’obtenir un bénéfice économique [de Winny]. Cependant, les droits d’auteurs des studios de cinéma et d’autres ont été violés, et ils en ont souffert financièrement. Les développeurs de logiciels doivent penser à la fois aux bénéfices et au mal que peuvent apporter leurs nouvelles technologies« . Un principe de précaution adapté au monde du logiciel, pour le bénéfice de l’industrie culturelle et au détriment de l’évolution technologique.
Un collègue, le professeur Masaharu Miyawaki de l’Université de Ritsumeikan, indique que le jugement prévient les développeurs qu’ils doivent présenter leur technologie d’une façon qui ne trouble pas l’ordre public.

En revanche, le professeur de Droit Hisashi Sonoda, de l’Université de Konan, est profondément opposé au jugement. « D’habitude les gens sont passibles de poursuites lorsqu’ils aident les autres à commettre des infractions seulement lorsqu’ils sont clairement au courant de l’infraction« , rappelle le juriste. « Cependant, Kaneko n’avait pas cette conscience. En étendant le principe, le jugement a trouvé que l’acte neutre de développer et de sortir un logiciel avait permis à d’autres de violer des droits d’auteurs. En se basant sur le jugement, des livres qui expliquent Winny pourraient aussi être illicites. Le jugement est dangereux parce qu’il pourrait permettre de réguler la liberté d’expression et la liberté de la presse« .

Kaneko, qui avait plaidé non coupable, a fait appel de la décision. En France, l’industrie du disque a prévenu qu’elle déposerait très bientôt des plaintes contre des éditeurs de services et des sites internet qui encouragent à l’utilisation de logiciels de P2P.

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