Dans le cadre de la lutte anti-terroriste, une députée socialiste a suggéré "d'agir sur les données cryptées" au moment des explications de vote sur le projet de loi porté par le ministre de l'intérieur Bernard Cazeneuve.

C'est une petite phrase qui va beaucoup faire parler d'elle. Lors des explications de vote qui ont précédé le vote en première lecture du controversé projet de loi visant à renforçant les dispositions relatives à la lutte contre le terrorisme, la députée socialiste Marie-Françoise Bechtel, s'exprimant alors au nom de son groupe, a suggéré "qu'il faudra demain agir sur les données cryptées".

Relevée en particulier par Adrienne Charmet-Alix de la Quadrature du Net, le député UMP Lionel Tardy mais aussi sur nos forums, cette conclusion faite au nom du parti socialiste annonce-t-elle une quelconque action du gouvernement contre le chiffrement des données, pour renforcer encore la lutte contre le terrorisme ? Il est sans doute trop tôt pour le dire, même si le combat contre la terreur s'autorise à aller très loin.

Sur ce sujet, le texte de loi adopté à l'Assemblée nationale inclut une mesure autorisant les forces de l'ordre à requérir l'aide de "toute personne" susceptible de permettre l'accès aux données du suspect, en particulier lorsque celles-ci sont protégées, quitte à faire potentiellement appel à des hackers, lors de perquisitions réalisées pour des crimes ou délits, notamment ayant trait au terrorisme.

Rappelons que l'article 434-15-2 du code pénal punit déjà de 3 ans de prison et 45 000 euros d'amende "le fait, pour quiconque ayant connaissance de la convention secrète de déchiffrement d'un moyen de cryptologie susceptible d'avoir été utilisé pour préparer, faciliter ou commettre un crime ou un délit, de refuser de remettre ladite convention aux autorités judiciaires ou de la mettre en œuvre". La peine est portée à 5 ans si le refus empêche d'éviter la commission d'un crime ou d'un délit.

Comme nous l'indiquions précédemment, l'amendement adopté en commission a une portée large puisqu'il ne vise plus seulement les clés de chiffrement mais la connaissance des "mesures appliquées pour protéger les données" et les "informations permettant d'y accéder", tout en autorisant un accès par des moyens détournés au-delà de la simple connaissance de la clé.

En l'état, la suggestion de la député socialiste Marie-Françoise Bechtel est très floue. Souhaite-t-elle emprunter le même chemin que celui pris par les États-Unis, qui consacrent une part importante – 11 milliards de dollars – de son budget de surveillance au déchiffrement des communications, au grand dam de Tim Berners-Lee, principal inventeur du web ?

En France, l'usage des logiciels de chiffrement comme PGP était interdit jusqu'en 1996 car ils étaient assimilés à des armes de guerre. Plusieurs textes de loi pris en ont toutefois assoupli la législation nationale sur ce sujet, jusqu'à rendre leur utilisation libre avec la loi pour la confiance dans l'économie numérique (LCEN) en 2004.


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.