Critiquée par Martin Bouygues lors de son audition au parlement, l'ARCEP a réagi par la voix de son président. L'occasion pour l'autorité de rappeler que son action est encadrée par la loi et surveillée par les parlementaires et la justice.

Martin Bouygues n'a semble-t-il toujours pas digéré l'arrivée de Free sur le marché de la téléphonie mobile, survenue il y a deux ans. Lors d'une audition devant la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale survenue le 1er juillet, le PDG a chargé encore une fois l'ARCEP, qui a ouvert la voie à l'arrivée d'un quatrième opérateur en France.

Martin Bouygues, qui a déjà fait des sorties fracassantes contre l'ARCEP (notamment en août 2012 et en avril dernier), considère que l'arrivée de Free dans le marché  de la téléphonie mobile a provoqué une chute des prix et des marges bénéficiaires, tout en nuisant à l'emploi, plaçant la société dans une position très inconfortable (un plan social ayant d'ailleurs été annoncé en juin).

Cette sortie de Martin Bouygues, qui se demandait devant les députés "qui régule le régulateur ?", n'a guère plu à Jean-Ludovic Silicani, le président de l'autorité de régulation des communications électroniques et des postes. Ce dernier a donc profité de sa lettre hebdomadaire pour répondre à cette question, en prenant toutefois soin de ne jamais s'attaquer directement à Bouygues Telecom.

Le parlement et la justice

Rappelant en préambule que "les autorités de régulation sont indépendantes des acteurs économiques qu'elles régulent et du gouvernement", Jean-Ludovic Silicani a souligné qu'elles "ne sont pas des électrons libres". Ces dernières sont "soumises au double contrôle du parlement et du juge". Une manière de dire que l'ARCEP ne peut pas faire n'importe quoi et que son action peut être contestée devant les tribunaux.

Les membres de l'ARCEP sont d'ailleurs nommés pour une bonne part par la représentation nationale, qui doit par ailleurs valider celle du président de l'autorité. Ces derniers sont "régulièrement" entendus – une dizaine de fois par an, selon le président – par les parlementaires, tandis que la justice doit parfois se prononcer sur les décisions de l'ARCEP lorsqu'une action est engagée.

"Toutes les décisions prises par l'ARCEP, eu égard à l'importance des enjeux en cause, sont déférées, soit devant le Conseil d'État, soit devant la Cour d'appel de Paris puis, le cas échéant, devant la Cour de cassation. Depuis cinq ans, toutes les décisions importantes prises par l'ARCEP ont été validées par la justice", s'est félicité au passage Jean-Ludovic Silicani.

Régulation du secteur par l'exécutif

L'exécutif lui-même, s'il n'a pas la capacité de contrôler l'ARCEP, peut aussi le réguler indirectement puisqu'il dispose "de compétences propres très importantes" dans les communications électroniques : politique industrielle, politique fiscale, soutien à la recherche, innovation, règles d'utilisation du spectre hertzien,  prix des licences mobiles…

Il n'y a donc pas de problème de régulation de l'ARCEP, selon son président. Ses missions sont définies par la loi, tandis que son action est contrôlée par le parlement et vérifiée, si besoin, par la justice. Une pression sur le parlement pourrait éventuellement conduire à la "capture" de l'autorité par des intérêts privés, via "une intense action de lobbying", mais l'ARCEP assure qu'il n'y a pratiquement aucun risque.

"L'expérience montre que les pouvoirs publics ont la lucidité et la sagesse d'être peu sensibles à ces pratiques, qui se révèlent, le plus souvent, contreproductives", a conclu le président de l'autorité.


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