Le Conseil National du Numérique (CNNum) remettait jeudi son rapport sur la neutralité des plateformes. Mais de quoi s'agit-il, et comment la faire respecter ? Explications.

Le Conseil National du Numérique (CNNum) a remis ce jeudi à la secrétaire d'Etat au numérique Axelle Lemaire son rapport sur la neutralité des plateformes, qu'il voit comme le prolongement essentiel de la neutralité du net. Il s'agit de prendre conscience du rôle d'intermédiaire incontournable des grandes plateformes (Facebook, Google, Booking, Yahoo, Twitter, YouTube…) et donc des pouvoirs dont elles disposent, aussi bien à l'égard des entreprises qui souhaitent faire commerce sur Internet, qu'à l'égard notamment des internautes qui s'expriment sur ces plateformes.

"Parce qu’ils sont des vecteurs du développement du commerce, des catalyseurs d’innovation, qu’ils impulsent les interactions sociales dans la société numérique et  compte tenu de leur puissance, le Conseil considère que ces acteurs ont un rôle crucial pour atteindre les objectifs de la neutralité d’Internet", écrit le CNNum.

Il préconise donc de "s’attacher à garantir que le rôle de catalyseur d’innovation, de création, d’expression et d’échange d’Internet ne soit pas appauvri par des stratégies de développement aux effets d’enfermement", et identifie cinq critères de neutralité des plateformes :

  1. La transparence et la loyauté des modes de collecte, de traitement et de restitution de   l’information (en particulier les données personnelles des internautes, ndlr) ;
  2. La non-discrimination entre les formes d’expression et de contenus partagés ;
  3. La non-discrimination des conditions économiques d’accès aux plateformes ;
  4. La non-discrimination des conditions d’interopérabilité avec les plateformes ;
  5. Une information sans propriétaire

Pour y parvenir, l'avis du CNNum élabore une série de 13 propositions, elles-mêmes détaillées en sous-propositions. La plupart visent à accroître la transparence des services en ligne (voir à ce sujet notre critique de la position du CNNum contre Google), afin de les inciter à faire preuve de vertu par comparaison avec les concurrents.

Quelques propositions intéressantes (pas toujours réalistes) tirées du rapport :

  • "Créer, sous une forme adaptée, un guichet d’information et de conseil pour améliorer l’information de tous et faire connaître les outils existants" pour faire appliquer à l'encontre des plateformes les droits déjà existants dans le système juridique français et européen ;
  • "S’appuyer sur des agences de notation pour mesurer les niveaux de neutralité" (une forme de service public, mais pas tout à fait public, de mise en avant des bonnes pratiques industrielles respectueuses des droits de chacun) ;
  • "Définir des lignes directrices sur la transparence du fonctionnement des services proposés, notamment les algorithmes, pour permettre aux utilisateurs de distinguer facilement entre ce qui relève de la publicité ou de l’information ou de se rendre compte si une plateforme personnalise, favorise ou déprécie certains résultats" ;
  • A l'égard des développeurs et start-up, "instaurer des règles de stabilité vis-à-vis de leur écosystème en intégrant par exemple des délais minimaux d’information préalable pour éviter les évolutions trop brutales, comme en cas de changement de paramètres déterminants pour les activités d’entreprises tierces (changement brusque de CGU ou d’API)". A ce sujet, on peut relire l'article que nous avions commis sur le comportement irresponsable de Google en tant qu'agent économique.
  • "Expérimenter l’ouverture pour les usagers d’un droit effectif de regard et de contrôle mais aussi d'usage sur les données à caractère personnel qui les concernent" (un point en principe garanti par la loi de 1978, mais la notion de "droit effectif" est ici primordiale) ;
  • "Imposer la portabilité et l’interopérabilité des données pour garantir la liberté et la pluralité d'usage, soutenir l’innovation et préserver la liberté de choix de l’usager" ;
  • "Créer des catégories de données, de traitements ou de services d’intérêt général ou public pour lesquelles les plateformes pourraient avoir des obligations spécifiques, comme des obligations d’ouverture accrues, notamment en matière de santé publique, de sécurité, de patrimoine numérique, etc" (une proposition certainement intéressante mais qui est assez paradoxalement inclue dans un rapport sur la neutralité alors qu'elle vise justement à discriminer entre les catégories de services et données…) ;
  • "S’assurer que les différents mécanismes de classement et d’éditorialisation soient présentés en toute transparence, notamment les mécanismes qui conduisent à écarter spécifiquement certains contenus et informations des espaces de visibilité et à en privilégier d'autres" (un aspect essentiel pour la défense de la liberté d'expression, même si l'on peut regretter que le CNNum n'aille pas plus loin vers une réelle obligation de défense de liberté d'expression sur des plateformes privées qui sont aussi de fait des plateformes publiques).

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