Alors que les bibliothèques et les médiathèques proposent des lectures publiques pour les enfants, baptisées "heures du conte", la SACD est pointée du doigt pour s'être manifestée auprès de ces dernières afin d'obtenir un paiement lorsque des textes appartenant à ses sociétaires sont lus.

Mise à jour – la SACD a réagi sur Twitter en assurant n'avoir procédé à aucun changement particulier de politique vis-à-vis des bibliothèques et des médiathèques. Il s'agirait, selon la société de gestion, d'un cas particulier.

Sujet – Voilà une décision qui ne grandira pas la société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) auprès du public, quand bien même le code de la propriété intellectuelle serait de son côté. Selon des témoignages publiés sur le forum des professionnels des bibliothèques et de la documentation, la société de gestion du droit d'auteur a décidé de s'intéresser aux lectures pour enfants et de les facturer.

Les heures du conte

Très précisément, ce sont les "heures du conte" qui sont ciblées. Il s'agit en fait de lectures publiques en bibliothèque ou en médiathèque de divers ouvrages à destination des enfants. Apparue d'abord dans l'Aisne et la ville de Paris dans les années 20, cette initiative s'est aujourd'hui généralisée un peu partout dans  l'Hexagone, explique le bulletin des bibliothèques de France.

Les "heures du conte", qui visent avant tout à émerveiller les enfants et à leur donner autant que possible le goût de la lecture, seraient des représentations publiques d'œuvres littéraires qui sont soumises à déclaration et faisant l'objet d'une perception qui sera ensuite reversée aux auteurs de ces textes. C'est du moins ainsi que la SACD voit manifestement les choses.

Jusqu'à maintenant, il y avait une certaine forme de tolérance vis-à-vis de ces "heures du conte". En tout cas, les professionnels du forum Agorabib n'ont pas mentionné un quelconque précédent avec la SACD. Alors, pourquoi maintenant ? Les bibliothécaires ne se l'expliquent pas.

Par contre, ils craignent que la SACD en vienne à scruter les pages Facebook des bibliothèques et des médiatiques ainsi que les sites web de ces derniers "pour repérer les annonces de tenue d’une heure du conte et envoyer des courriers aux bibliothèques, sans qu’aucune concertation n’ait eu lieu sur ce sujet", alors même que tous les auteurs ne sont pas membres de la SACD, rappelle Savoirs Com1.

Recherche d'une parade… mais défaite morale ?

Savoirs Com1, qui s'est fait l'écho des témoignages publiés sur Agorabib, rappelle qu'il existe des dispositions dans la loi qui font exception au droit d'auteur (exception pédagogique ou encore représentation privée et gratuite dans le cercle de famille). Or, celles-ci ne concernent pas curieusement les bibliothèques et les médiathèques, dont la mission est aussi pédagogique et non commerciale.

Il est toujours possible de consulter la liste des auteurs affiliés à la SACD et ne lire les textes que de ceux qui n'y sont pas. De son côté, Framablog relève qu'il est aussi envisageable de ne sélectionner que des textes sous licence libre ou entrés dans le domaine public. Mais n'est-ce pas, en définitive, une certaine défaite morale face à une approche maximaliste du droit d'auteur ?

Pour le collectif, "l'approche maximaliste de la revendication des droits d’auteur qui se déploie depuis des années remet en cause la capacité des bibliothèques à remplir leurs fonctions fondamentales" et affecte "l’équilibre entre le droit des auteurs et les droits du public dans l’usage de la culture".

Manque de discernement

Ce ne serait pas la première fois qu'une société de gestion du droit d'auteur s'illustre d'une bien curieuse façon dans une affaire de ce type. En 2010, on se souvient de l'intervention de la SACEM allemande (GEMA) concernant l'usage des œuvres musicales dans les écoles maternelles, pour des faits relativement similaires.

Quatre ans auparavant, c'est la SACEM qui s'était distinguée dans une affaire racontée par Maître Eolas, qui déplorait alors le manque de discernement de la société de gestion, même si elle défend une cause juste, à savoir la protection et la rémunération des auteurs.

"Alors que la protection des auteurs a été faite pendant des siècles contre les exploitants de salle de concert et cafés-concert, bref des professionnels qui tiraient profit de l'exploitation non rémunérée de ces œuvres, la SACEM se retourne de plus en plus vers ceux qui représentent des œuvres sans esprit de gain, bref le public], qui veulent faire partager leur amour d'une œuvre, en la chantant à un instituteur qui part à la retraite, en la plaçant sur une webradio sur leur blog, qui ce faisant font une promotion de cette œuvre".

( photo : CC BY-SA Tonio Vega )


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