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La loi Habeas Corpus Numérique aura des principes, et nombre d'exceptions

Fleur Pellerin a participé jeudi à une discussion parlementaire sur la loi sur le numérique. À cette occasion, la ministre déléguée a exposé les grands axes de son texte. Si ce dernier rappellera les grands principes, il devrait toutefois contenir un certain nombre d'exceptions préoccupantes.

Les contours de la loi pour un prétendu Habeas Corpus numérique, en référence à l'Habeas Corpus Act de 1679, qui avait l'une des tous premières à fixer des règles de protection des libertés contre la détention arbitraire, mais cette fois orienté sur la protection des droits et des libertés numériques, se précisent.

Jeudi, les députés de l'Assemblée nationale débattaient sur la protection de la vie privée à l’heure de la surveillance numérique, commerciale et institutionnelle. À cette occasion, la ministre déléguée à l'économie numérique et à l'innovation a précisé les principaux axes de son futur texte, qui est attendu pour cette année.

Au cours de la discussion parlementaire, Fleur Pellerin a rappelé le contexte dans lequel s'inscrit cette initiative législative. Il s'agit selon elle d'aborder le troisième virage de la protection des données personnelles, après les deux précédents négociés d'abord par la mise en place de la CNIL en 1978 puis par la transposition de la directive européenne 95/46/CE en 1995.

"Des centaines, des milliers de données sont collectées chaque jour sur chacun d’entre nous, parce qu’Internet fait partie de notre quotidien, que nous avons des smartphones et que toutes ces machines produisent naturellement, si j’ose dire, des données. Et demain, les objets connectés envahiront notre quotidien", a ainsi expliqué la ministre. Or, ce constat appelle un nouveau cadre.

"La question n’est pas de savoir si cela est bien ou mal, mais de redéfinir des règles adaptées et de poser des garanties pour que le numérique soit et reste un espace d’innovation et de confiance", a-t-elle poursuivi. L'innovation et la confiance seront d'ailleurs les deux dimensions du texte.

Cependant, si les principes et les acquis seront réaffirmés, on devine en filigrane que ce sont aussi voire surtout des exceptions qui figureront dans le projet de loi.

Le régime de la LCEN est satisfaisant, mais...

Le gouvernement est ainsi satisfait du régime de la loi pour la confiance dans l'économie numérique "LCEN", "qui a peu évolué depuis 2004". Outre qu'il s'agit là d'un dispositif "essentiel pour le développement de l’économie numérique", l'exécutif a noté sa "stabilité" à travers le temps, permettant ainsi aux acteurs de l'économie numérique d'évoluer dans un cadre familier et sûr.

Toutefois, après avoir rappelé "qu'Internet a été conçu dès le départ [...] comme un espace ouvert, comme le principal vecteur de la liberté d’expression", la ministre a ensuite détaillé comment le gouvernement entendait l'encadrer plus fermement en précisant "le cadre d’ensemble pour toutes les obligations de signalement qui pèsent sur les intermédiaires techniques".

La ministre veut donc "développer des approches partenariales" avec les intermédiaires, ce qui rappelle les discussions menées avec Twitter ou Facebook, et "définir précisément leur rôle" car les "intermédiaires jouent un rôle clé", en particulier dans la lutte contre la cybercriminalité. Et Fleur Pellerin d'assurer qu'en marge de ce renforcement, des "garanties" sur le plan des libertés seront apportées. Il faudra en vérifier la teneur.

Car le risque est de voir la mise en place d'une action préventive, ce qui remettrait en cause le régime protecteur accordé aux hébergeurs. Cette idée remonte au moins à 2008, sans toutefois se concrétiser malgré sa persistance dans le temps. Elle s'est manifestée récemment, avec la proposition de création d'un statut de "service culturel numérique", refusée par les acteurs du web.

Blocage et filtrage, encadré ou renforcé ?

Fleur Pellerin évoque l'objectif de "revenir sur les dispositifs de blocage et de filtrage des sites internet par l’administration, afin d’assurer un contrôle effectif de ces dispositifs par une autorité indépendante, qu’elle soit judiciaire ou administrative". Cela laisse à penser que cette approche perdurera, alors même qu'elle s'avère nuisible pour le réseau, affecte le trafic légitime et perd en pertinence dans le temps.

Lorsque Fleur Pellerin dit qu'il faut "assurer un contrôle effectif" du filtrage, il est possible d'y voir le meilleur - s'assurer d'une véritable vérification de l'illégalité du contenu bloqué, et de l'absence de tout surblocage... ou le plus attendu par les ayants droits.

Il pourrait en effet s'agir d'institutionnaliser un suivi des ordonnances judiciaires de blocage, pour qu'ils soient mis à jour en quasi temps réel pour s'assurer de la prise en compte des sites miroirs et autres nouveaux noms de domaine qui fleurissent à chaque tentative de censure. C'est tout l'objet de l'outil qu'a mis au point TMG, que l'industrie cinématographique a tenté d'imposer pour Allostreaming.

Ce renforcement du filtrage entrerait par ailleurs pleinement dans la logique d'un durcissement de la LCEN.

L'idée étant de créer un régime de responsabilité intermédiaire entre l'éditeur (qui est responsable de tout ce qu'il publie) et l'hébergeur (qui n'est responsable que de ce qu'il a pas retiré d'illicite après signalement), donc d'obliger les hébergeurs à installer des filtres qui empêchent qu'un contenu illicite soit remis en ligne, par exemple.

Neutralité du net... sans naïveté

Dans son propos, la ministre déléguée à l'économie numérique et à l'innovation a fait savoir que sa loi "sera aussi l’occasion de débattre de la question de la neutralité de l’Internet". Jugeant le sujet "mûr" pour entrer dans la législation, Fleur Pellerin "soutient l'inscription dans la loi du principe d'un Internet ouvert" car c'est "un bien commun qui ne doit pas être accaparé par quelques intérêts privés".

Mais là encore, Fleur Pellerin laisse entendre que les demandes des opérateurs télécoms seront entendues. "Ouverture ne veut pas dire naïveté", s'empresse-t-elle de nuancer, attaquant les géants du web (comprendre Google, Amazon, Facebook, Apple, Twitter...) qui seraient en quelque sorte "passagers clandestins" du web, sans financer les réseaux.

Une sortie à rapprocher au rapport rendu public ce vendredi par la Fédération Française des Télécoms, qui oppose les vertus des opérateurs au comportement anti-civique des géants du web

"Je veillerai donc tout particulièrement à ce que l’ensemble des acteurs du numérique puissent participer de manière équitable au financement des infrastructures et de l’écosystème français", explique la ministre. , qui a des objectifs à tenir de couverture du territoire en très haut-débit, veut en effet ménager la marge opérationnelle des opérateurs pour leur permettre l'investissement nécessaire. Quitte à sacrifier au passage quelques principes de neutralité qu'il estime moins importants que le très haut débit pour tous

Les opérateurs, en contrepartie d'un investissement, souhaitent pouvoir faire payer les gros consommateurs (YouTube, Facebook, Google...) pour leur accorder la bande passante dont ils sont besoin — alors que normalement c'est financé par l'abonnement du client ; ou avoir le droit de privilégier leurs propres services ou de faire payer des accès prioritaires.

Vie privée : pas d'annonce forte

La ministre reconnaît que l'effectivité de la loi de 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés est discutable face aux géants du net. "La sanction maximale que peut prononcer la CNIL, 150 000 euros, n’est manifestement pas à la hauteur des géants de l’internet", a-t-elle expliqué, faisant écho à la récente condamnation de Google, absolument dérisoire face à ses moyens financiers.

À ce sujet, la Commission européenne travaille à une réforme visant à prononcer des amendes dont le montant maximal ne s'exprimerait plus par une valeur fixe mais par un pourcentage, qui permettrait de varier la sanction en fonction du chiffre d'affaires global de la firme incriminée (en l'occurrence, il est question d'un montant maximal valant 2 % du CA).

La ministre a poursuivi en estimant que la CNIL deviendrait "le régulateur de cette économie des data", mais qu'il faudrait alors "actualiser le cadre de régulation", quitte à apporter certaines modifications, comme une simplification des procédures actuelles ou un accompagnement des acteurs français, par exemple en incluant des "logiques de labellisation de diffusion des bonnes pratiques".

Déception, en revanche, sur l'affaire de la NSA. Fleur Pellerin n'a jamais abordé cette question, ce qui est pourtant essentiel, dans la mesure où l'Habeas Corpus projette de renforcer la protection de la vie privée à l’heure de la surveillance numérique, commerciale et institutionnelle. La seule fois où ce sujet a été effleuré, c'est au sujet des "régimes peu recommandables [qui] espionnent leur population".

Adapter l'économie au numérique

L'autre dimension de la future loi sur le numérique porte sur l'innovation. Revenant rapidement sur l'initiative French Tech, Fleur Pellerin a rappelé l'existence d'une mission "pour préparer l’économie traditionnelle au choc numérique", en recensant "les évolutions législatives et réglementaires qui pourraient être nécessaires pour accompagner la transformation numérique des différents secteurs concernés".

Les objectifs précis du gouvernement en la matière sont encore flous, mais il est certain que l'un d'eux concernera la publicité et la loi Sapin.  "De nouvelles places de marché se sont créées entre annonceurs et supports publicitaires, avec des modes de fonctionnement qui rendent partiellement obsolètes la loi Sapin qui encadre les relations entre les acteurs", a déclaré la ministre.

( photo : CC BY LeWeb )