Discuté depuis plus de trois ans, le droit à l'oubli est pris en compte dans le projet de révision de la directive européenne sur la protection des données personnelles. En France, ce principe est également débattu, à gauche comme à droite. Mais le gouvernement a rappelé que ce droit ne doit pas être absolu et qu'il faut prendre en compte un certain nombre d'exceptions.

Entrée en vigueur en novembre 1995, la directive 95/46/CE est aujourd'hui le texte de référence en matière de protection des données personnelles. Or, sa rédaction est survenue bien avant l'explosion du numérique et la démocratisation d'Internet. Résultat, les règles élaborées à l'époque ne sont plus à jour. C'est pour cette raison que la Commission européenne s'emploie, depuis bientôt trois ans, à les mettre à niveau.

À l'échelle du continent, les Européens sont fortement demandeurs du droit à l'oubli. En 2011, une enquête a révélé que 75 % des sondés souhaitent avoir le droit d'effacer, quand ils l'entendent, les données personnelles les concernant qui sont en possession de tiers. De son côté, Bruxelles n'y est pas défavorable puisque cette notion a été envisagée très tôt, avec la proposition que les particuliers puissent en bénéficier.

À l'échelle nationale, ce sujet a été abordé pour la première fois lors d'une conférence en 2010, au moment où Nathalie Kosciusko-Morizet était secrétaire d'État à l'économie numérique. Une charte des bonnes pratiques a ensuite vu le jour, signée par les principales plateformes françaises mais boudée par les deux géants américains que sont Google et Facebook.

En 2012, le numérique a été quelque peu mis de côté lors de l'élection présidentielle. Le Parti socialiste, qui a finalement triomphé de l'UMP, a toutefois inscrit dans son programme numérique sa volonté de fixer dans "la loi les grands principes d'une société de l'information ouverte, comme […] le droit à l'oubli, le droit au respect de la vie privée et à la protection des données personnelles".

En la matière, la France souhaite agir en concertation avec ses partenaires européens. Toutefois, l'exécutif a profité d'une question écrite posée par le député socialiste Michel Pajon pour souligner les limites du droit à l'oubli, afin de trouver un équilibre entre ce concept et le droit à la mémoire, "garanti à travers des exceptions à l'effacement des données".

Les exceptions

Quelles sont ces exceptions ? Si les données en question "sont nécessaires à des fins historiques, statistiques et de recherche scientifique, pour des raisons de santé publique, pour l'exercice du droit à la liberté d'expression ou lorsque la loi l'exige", alors il ne sera vraisemblablement pas possible de brandir le droit à l'oubli. Idem pour les archives.

"En effet, la mise en œuvre de la proposition ne doit pas empêcher les autorités nationales chargées de la conservation et de la communication des archives nominatives d'exercer leur mission à des fins d'intérêt général, historique, statistique et scientifique, conformément au droit national".

Les services de Thierry Repentin, ministre en charge des affaires européennes, ajoutent que "la France souhaite par ailleurs que la conservation, dans les archives, de données nominatives au-delà de la période d'utilisation courante, permette de garantir aux personnes des droits qui ne peuvent être exercés que par l'accès aux archives".

La France reste ainsi favorable au droit à l'oubli. Cependant, celui-ci doit être aménagé de façon à prendre en compte plusieurs exceptions, afin "d'empêcher la destruction de données nominatives qui aurait pour conséquence de priver les personnes de la possibilité de faire valoir ces droits". Le projet de révision proposé par Bruxelles, rejeté par les ministres début juin, devra en tenir compte.

( photo : CC BY-SA Stefan-Xp )

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