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DADVSI : le gouvernement met bas les masques

Le projet de loi DADVSI progressivement adopté par le Parlement sonne le glas, sur le papier au moins, de la libre culture par Internet. Affirmées depuis décembre par le ministre de la Culture, l'interopérabilité et le droit à la copie privée ont été piétinées dans la nuit de jeudi par le gouvernement, sous le regard impuissant d'une opposition fragile.

Il ne faut pas chercher les bons et les mauvais dans cet examen du projet de loi sur le droit d'auteur et les droits voisins dans la société de l'information. Le gouvernement sans aucun doute, est responsable et coupable d'un projet de loi mal rédigé, à partir de concertations unicéphales, défendu avec la plus grande maladresse dans une procédure d'urgence que ne justifiait qu'un entêtement puéril. En face les socialistes Bloche, Mathus, et Paul resteront certainement dans les mémoires comme les défenseurs des internautes, aux côtés du communiste Dutoit ou de la député Vert Billard, mais il faudra tôt ou tard réaliser ce terrible constat : l'opposition a été absente de ce débat et n'a pas joué son rôle. En dehors de ces arbres qui cachent une forêt décimée, il faut remarquer à grands traits l'absence totale de Jack Lang, pourtant architecte de la loi de 1985 qui à l'unanimité avait instauré l'exception pour copie privée en droit français. Présidentiable, l'homme qui est populaire aussi bien auprès des jeunes que des artistes ne veut décevoir ni les uns ni les autres. Il faut remarquer l'absence de l'ensemble des cadres socialistes, à l'exception d'interventions ponctuelles et uniquement politiciennes de MM. Ayrault et Hollande.

La gauche aura c'est sûr à rougir devant les internautes lors du bilan de cette opposition qui avait le discours sans s'être donné les armes pour le soutenir. Si la loi est adoptée en l'état, la gauche sera, elle aussi, responsable et coupable.

Même constat au centre. Le chef de file François Bayrou a voulu l'indépendance de son parti face à l'UMP, il a eu l'indépendance de son député Dionis du Séjour. "Je sais c'est mon métier", a martelé ce dernier à maintes reprises pour affirmer son autorité sur le texte. Divisés sur la question fondamentale de la copie privée, les deux hommes ont fait chou blanc dans l'hémicycle et ont assisté à la débâcle de l'interopérabilité et de la copie privée.

Le gouvernement déssaisi le Parlement de tout pouvoir sur la copie privée
A droite, ce fut encore roue libre. Le ministre de la Culture a dévoilé comme attendu le double discours du gouvernement. Dans le principe, celui-ci affirme le respect de l'interopérabilité et de la copie privée, mais l'ensemble des amendements allant dans le sens d'une concrétisation de ces déclarations de principe ont été rejetés. Les débats ont tourné au grotesque. L'amendement 273, approuvé par le gouvernement et adopté par sa majorité, dispose très clairement dans ses motifs que les DRM peuvent "compromette de facto la sécurité des utilisateurs individuels, des entreprises, des administrations". Pourtant ces mêmes DRM sont approuvés et en plus protégés par le projet de loi. L'adoption de l'amendement 273 a instauré un régime de contrôle des DRM au bénéfice des administrations, mais les particuliers et les entreprises ne bénéficieront pas de la même bienveillance vis à vis des risques énoncés.

Sur la copie privée, le discours de la majorité fut particulièrement déroutant et significatifs lorsque certains députés et le rapporteur Christian Vanneste se sont appuyés sur une récente décision de la cour de cassation pour justifier leurs positions, alors même que la hiérarchie des normes enseignée en première année de Droit impose bien sûr au législateur et non au magistrat de fixer la norme. Puisque, nous dit-on, la cour de cassation a jugé qu'il n'y avait pas de copie privée possible sur les DVD, celle-ci ne sera pas garantie par le législateur. Pas plus d'ailleurs que la copie privée pour les autres supports. L'ensemble des pouvoirs de fixation du cadre de l'exercice de la copie privée ont en effet été transférés au "collège des médiateurs", une nouvelle autorité administrative indépendante à la fois médiatrice et arbitre de la copie privée. Celle-ci pourra librement décider que la copie privée est admise jusqu'à un nombre de zéro copie, puisque l'amendement de Christian Vanneste qui prévoyait d'imposer au collège le droit à au moins une copie fut retiré à la dernière minute par ce dernier.

Le ministre, qui disait faire de la France l'un des premiers pays à affirmer le droit à la copie privée, s'est fendu d'une expression nouvelle pour créer "le droit à l'exception pour copie privée". Les juristes, qui s'opposent depuis 1985 sur le fait de savoir si la copie privée est un droit ou une exception, auront eu ce soir leur réponse. Le droit est garanti s'il entre dans le cadre du respect des exceptions prévu au droit des auteurs et des producteurs. La primauté des droits des auteurs sur les droits du public est affirmée, tandis que le bénéfice de l'exception pour copie privée sur les téléchargements a été vivement écarté. "Vous serez baptisés 'les Terminators de la copie privée'", a accusé le socialiste Christian Paul.

Seule consolation pour les non-internautes, l'amendement 6 proposé par l'UMP qui renforce l'exercice de l'exception pour copie privée sur les signaux de télévision, a été adopté par l'Assemblée. "Si les rédacteurs de cet amendement ont proposé cela, c'est qu'ils veulent tenir compte du nombre de français qui regardent la télévision", a commenté Christine Boutin, UMP dissidente. Mais "je m'étonne qu'ils ne tiennent pas compte du nombre d'internautes qui sera bientôt plus important encore", a-t-elle ajouté.

Face à la démission de l'opposition et au champ libre accordé par sa majorité au gouvernement, le ministère de la Culture ne trouvera plus comme résistance que les sages du Sénat et du Conseil constitutionnel. Avec le retrait puis la réintroduction de l'article 1er, ce dernier aura fort à faire.

La dernière résistance, cependant, viendra des internautes. Ceux-là ne sont pas disposés à changer leurs modes de communication, et la copie privée, interdite sur le papier, restera pratique courante dans les foyers.