Tout l'art du lobbyiste est de savoir insérer quelques mensonges au milieu de nombreuses réalités incontestables. Mais le patron de la Sacem, Jean-Noël Tronc, semble encore avoir du mal à trouver le bon mélange…

Jean-Noël Tronc, le directeur général de la Sacem, a accordé ce lundi une interview au journal Les Echos, dans laquelle il défend l'importance des industries culturelles en France et en Europe, par rapport aux industries numériques où les champions restent exclusivement américains ou asiatiques. Il y enchaîne une série de vérités arrangées, voire de mensonges.

Ainsi par exemple, il affirme que "les industries culturelles françaises pèsent au minimum 1,5 million d'emplois, essentiellement non délocalisables, et une étude de 2010 estime les emplois culturels à 15 millions en Europe". Mais il tire ces chiffres ridiculement élevés de la grotesque étude Tera, commandé par le BASCAP, une organisation présidée par Jean-René Fourtou, le président du conseil de surveillance de Vivendi. Pour affirmer que la culture représentait 6,9 % du PIB européen (sic), l'étude raclait tout ce qu'elle pouvait, en additionnant les producteurs audiovisuels, les éditeurs, les agences de publicité, les éditeurs de logiciels et de contenus en ligne, les fabriquant et vendeurs de matériels (téléviseurs, lecteurs MP3, etc.), et même les entreprises de transport routiers, parce qu'elles transportent aussi des CD et des DVD. 

L'étude Tera, qui a réussi son office de lobbying, affirmait que le secteur de la création embauchait 1 million de personnes en France. Mais pourtant comme nous l'avions rappelé, les services du ministère de la Culture lui-même ne reconnaissent que 157 000 emplois salariés dans le "champ des industries culturelles" :

Lorsqu'elle était ministre de la Culture, Christine Albanel avait ignoré ces chiffres proposés par son propre ministère, et évoqué celui de 500 000 emplois menacés pour justifier la loi Hadopi. Il s'agissait déjà d'une étonnante inflation, sans commune mesure avec celle retenue par Jean-Noël Tronc.

Par ailleurs, pour s'attaquer aux grandes entreprises américaines, M. Tronc affirme que "Amazon va certes créer quelques centaines d'emplois avec son nouvel entrepôt, mais Virgin risque d'en supprimer 1.000". Or ce sont 2 500 emplois qui ont été annoncés par Amazon (pour les périodes fortes, avec intérimaires). 

Enfin, pour défendre la "taxe copie privée", qui fait l'objet de décisions sans cesse contestées devant les tribunaux et pour laquelle même le législateur se rend coupable d'abus de pouvoir, Jean-Noël Tronc use d'un argument maintes fois entendu, mais toujours faux. Il prétend que la taxe pour copie privée ne lèse pas le consommateur, puisqu'elle serait prise en charge par les constructeurs et distributeurs, en rognant sur leurs marges. Une manière de dire au consommateur que l'ennemi est l'industriel, et non la Sacem.

Ainsi, Jean-Noël Tronc (qui disait récemment qu'un smartphone n'a d'intérêt que pour écouter de la musique) affirme que "un iphone 5 coûte aussi cher à Londres, où la copie privée n'existe pas, qu'à Paris". Or c'est faux, comme le montre un comparatif entre les sites britannique et français d'Apple. Sur le premier, l'iPhone 5 de base est vendu 478,16 euros HT (Mise à jour après bug ancéphalique : 524 euros). Sur le site français, le même iPhone 5 coûte 567,73 euros HT :


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