Aveugle, la lutte contre le piratage ? C'est le cas de le dire. Aidés par la loi américaine DMCA, les studios de cinéma peuvent demander légalement le retrait de contenus dont ils détiennent les droits. Mais à ratisser trop large, les sociétés de cinéma s'attaquent même à leurs propres intérêts, en demandant à Google de retirer de son index des liens menant à Wikipédia, Facebook ou des sites de presse…

Engagés dans la lutte contre le piratage, les représentants des industries culturelles travaillent étroitement avec Google pour neutraliser les liens menant vers du contenu protégé par le droit d'auteur. Ils ont pour cela une arme juridique très pratique, le Digital Millennium Copyright Act (DMCA). Il s'agit d'une loi américaine qui oblige l'hébergeur à retirer les liens incriminés, dès lors que ceux-ci lui sont notifiés.

Google étant le moteur de recherche le plus utilisé au monde, c'est lui qui reçoit l'essentiel des notifications. Des requêtes de suppression contre The Pirate Bay, BTJunkie, AlloStreaming, AlloShowTV et MegaUpload ont ainsi été envoyées, parfois ciblant le site entier, parfois des adresses très précises. Et si d'ordinaire Google évite de retirer un site entier de son index, il se montre plus conciliant lorsqu'il s'agit de simples liens.

Vu l'implication des ayants droit dans la lutte contre le piratage, nous pourrions penser que ces derniers sélectionnent avec soin les liens qu'ils jugent illicites et se montrent soucieux de ne pas toucher aux sites légaux. Il n'en est rien. Depuis que Google a décidé de faire preuve de transparence sur les demandes de suppression, il apparaît que les ayants droit notifient à la louche, sans forcément vérifier chaque URL.

C'est le constat effectué par Torrentfreak, qui s'est penché sur les requêtes de Lionsgate, 20th Century Fox, BBC Films, Summit Entertainment, Sony Pictures et Walt Disney Pictures. Le constat est déplorable : à côté des adresses menant effectivement à des sites de partage, les studios s'attaquent aussi à leurs propres intérêts en demandant le retrait de pages n'enfreignant aucun droit d'auteur.

Lionsgate a ainsi envoyé une notification à iTunes et AMazon, qui vendent légalement le film d'horreur "La Cabane dans les bois". 20th Century Fox a listé une page de CBS, qui est une importante chaîne de télévision aux USA. BBC Films s'est attaqué à une page Facebook et à de nombreux médias britanniques (Sky, le Guardian, l'Independant, le Mirror et le Daily Mail).

Les exemples ne manquent pas et montrant que les studios et les labels, aussi importants soient-ils, sont loin d'utiliser le DMCA avec parcimonie. Dans leur lutte acharnée contre les échanges sur la toile, ils ont fait de la loi une arme pour s'attaquer à leurs concurrents… et à leurs propres intérêts. Ou comment se mettre soi-même des bâtons dans les roues.

On se souvient par exemple du cas de Beyonce, une artiste sous contrat avec Sony Music. La maison de disque avait envoyé une demande de blocage à YouTube pour qu'il neutralise une page qu'elle pensait illicite. Or, c'était la page officielle qui était en réalité dans le collimateur du label. Et de nombreux autres exemples, certes moins connus, existent : citons Calvin Harris ou encore Edwyn Collins.

En France, le retrait automatique et massif des contenus est désormais procrit depuis l'arrêt rendu par la cour de cassation. En théorie du moins. La plus haute juridiction de l'ordre judiciaire français a en effet conforté le statut d'hébergeur fixé par la loi LCEN et a également rappelé aux ayants droit l'importance de se prêter à un formalisme strict avant toute demande de retrait.


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