Invité du magazine Envoyé Spécial, le patron d'Universal Music France a tenu à défendre le rôle des maisons de disques, face au phénomène croissant d'auto-production chez les artistes qui utilisent Internet pour se faire connaître et gagner de l'argent. Une défense évidemment orientée…

Pascal Nègre, le président d'Universal Music, était samedi l'invité sur France 2 du magazine Envoyé Spécial, qui consacrait un long reportage au phénomène de l'auto-production permise par Internet. Le patron de la plus grande maison de disques française en a bien sûr profité pour défendre le rôle des labels, qu'il juge toujours indispensables.

"Ce n'est pas parce qu'il y a 350 millions de comptes Myspace avec des musiques qu'il y a 350 millions de David Bowie ou de Jacques Brel", a-t-il tout d'abord recadré, en nous rappelant au passage l'existence de MySpace que beaucoup avaient oublié. "Qu'est-ce qui fait qu'on va passer tout d'un coup d'un artiste amateur et le fait qu'il va être autre chose ? Je pense que c'est le moment où il va rencontrer des professionnels. La très grande majorité des artistes qui commencent à créer un buzz sur internet n'ont qu'un objectif, c'est de signer avec une maison de disques".

"Etre sur Internet, c'est bien, c'est nécessaire, mais c'est pas suffisant. A un moment donné, si vous voulez vous faire connaître, vous allez avoir besoin d'aller sur les télévisions, de passer à la radio, d'avoir des articles dans la presse, etc. C'est ce travail, accompagner l'artiste", qui justifie le travail d'une maison comme Universal Music, justifie Pascal Nègre.

Jusque là, c'est un point de vue que l'on peut entendre, même si Pascal Nègre continue de ne pas vouloir voir l'immanquable fin de l'industrialisation de la musique enregistrée.

Mais la journaliste Guilaine Chenu prend alors l'exemple de Wu Lyf, un groupe britannique qui revendique ne pas avoir de maison de disques et tout faire lui-même, de la création jusqu'à à la promotion, avec l'aide de sa "tribu" de soutiens sur Internet. Pascal Nègre minimise alors le réalisme économique d'une telle aventure, pourtant de plus en plus courante, avec son sens habituel de l'ironie. "Il y a un certain nombre de groupes qui ont essayé", reconnaît-il, en citant en exemple Radiohead. "Alors eux c'était mieux, vous donniez ce que voulez. Vous téléchargez l'album et vous donnez ce que vous voulez. Le problème c'est que les trois quarts des gens donnaient rien. C'est une tribu un peu sauvage".

Or Pascal Nègre "oublie" de rappeler que l'expérience de Radiohead a été extrêmement juteuse, même avec une vaste majorité de téléchargements gratuits. Le groupe a vendu 3 millions d'albums, dont 1,75 millions sous forme de coffrets physiques. Selon des estimations réalisées à l'époque, Radiohead aurait gagné en une semaine 4 millions d'euros, représentant pour lui un record de gains. 

Car ce qu'oublie de dire Pascal Nègre, c'est qu'une maison de disques ne reverse aux artistes qu'elle signe que 7 ou 8 % du prix du net hors-taxe des chansons qu'elle vend. Peut-être 10 % pour les artistes qui ont le plus de renommée. Or en s'auto-produisant, les groupes conservent l'essentiel du chiffre d'affaires. Une différence de taille qui leur permet de gagner au moins autant, en vendant beaucoup moins. Ou de gagner largement plus, en vendant autant.


Si vous avez aimé cet article, vous aimerez les suivants : ne les manquez pas en vous abonnant à Numerama sur Google News.