Chargé de fixer l'avenir de l'Hadopi, Pierre Lescure a exprimé sa volonté de conserver la réponse graduée en sacrifiant uniquement la suspension de l'accès à internet, qui n'a jamais été mise en oeuvre. La sanction, trop lourde et donc inappliquée, devrait être remplacée par une sanction plus légère dans la théorie, mais plus lourde dans la pratique.

C'est davantage une confirmation qu'une surprise. A l'occasion du Forum d'Avignon, l'ancien président de Canal+ qui a été chargé d'une mission sur la définition de "l'acte 2 de l'exception culturelle" s'est dit favorable au maintien de la riposte graduée. "La suspension de l'accès internet est un chiffon rouge mais la réponse graduée doit être affinée et maintenue", aurait déclaré en substance l'homme très proche des lobbys culturels, selon les propos rapportés sur Twitter par le patron de la SACD Pascal Rogard.

Pierre Lescure, qui doit rendre son rapport au printemps 2013 (pas d'empressement…), devrait donc prôner la conservation des envois de courriers d'avertissements aux internautes, mais en remplaçant la suspension de l'accès à internet par d'autres types de sanctions. Celles-ci pourraient aller du simple bridage de trafic, comme c'est la solution prônée aux Etats-Unis, aux amendes pénales bien plus systématisées. On remplacera donc une sanction inappliquée par une sanction plus légère, mais cette fois appliquée.

Cette orientation n'est en rien surprenante, puisque l'industrie culturelle envoie régulièrement des signes en ce sens depuis de nombreuses semaines. Et il ne faut pas compter sur François Hollande pour s'opposer à eux…

Dès le mois de mai, le puissant Syndicat National de l'Edition Phonographique (SNEP) qui défend les grandes maisons de disques s'est dit prêt à abandonner la menace ultime de la suspension de l'accès à internet, mais sans abandonner les sanctions. "Si on renforce l'aspect pédagogique, en augmentant le nombre de mails envoyés, si on laisse un niveau d'amende pas trop élevé mais suffisamment dissuasif pour que télécharger illégalement ne soit pas plus intéressant que s'abonner à une offre, la suspension d'accès n'est pas nécessaire dans le dispositif", avait expliqué son président Denis Ladegaillerie.

Il a été suivi en ce sens par le patron de la Sacem, Jean-Noël Tronc, qui demande carrément des amendes sans sommation sur le principe des radars routiers. Une technique de négociation qui lui permettra d'obtenir des sanctions avec sommations.

Pendant la campagne électorale, c'est Pierre Lescure lui-même qui aurait convaincu François Hollande de ne pas s'engager dans l'abrogation de la riposte graduée. La position qu'il exprime au Forum d'Avignon ne fait donc que confirmer que pour Hadopi, le changement n'est pas pour maintenant.

Restera tout de même à concilier cette orientation avec celles qu'avaient défendues les députés socialistes dans l'hémicycle pour combattre la loi Hadopi. Il faudra compter sur nous pour comparer les argumentaires…


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