Le gouvernement a fait paraître la semaine dernière une liste de 55 bases de données qui, par exception au principe de gratuité d’accès aux documents administratifs de l’Etat, resteront soumises au paiement de redevances. Parmi elles figurent la compilation des arrêts de la Cour de cassation et du Conseil d’Etat… ou même les avis et conseils de la Commission d’Accès aux Documents Administratifs (CADA) !

En matière d’accès aux données publiques, le changement n’est pas encore pour maintenant.

L’an dernier, le gouvernement de François Fillon avait publié un décret du 26 mai 2011 qui avait fixé le principe de la gratuité de la mise à disposition des données issues des administrations françaises, conformément aux orientations de Bruxelles sur l’Open Data. Lorsque l’Etat demande aux citoyens ou aux entreprises de payer pour accéder et exploiter des documents réalisés grâce aux fonds publics, il y a en effet une forme de double paiement, doublé d’une contre-productivité (les données publiques constituent une forme de matière première sur laquelle les acteurs économiques, en particulier les TPE/PME, peuvent bâtir de nouveaux services qui soutiennent la croissance et donc les recettes de l’Etat).

Dans son décret, le précédent gouvernement avait aménagé une porte de sortie en prévoyant que des jeux de données pourraient rester payants après le 1er juillet 2012 dès lors qu’ils auront été inscrits d’ici cette date sur une liste officielle. Au pouvoir, et malgré une lettre de déontologie imposée aux ministres qui consacrait l’Open Data, le Premier ministre Jean-Marc Ayrault a fait publier cette liste, au dernier moment, par un arrêté du 29 juin 2012. Et la porte de sortie est grande ouverte.

Le collectif Regards Citoyens a en effet analysé la liste des données soumises à redevances, et note qu’elle « révèle quelques surprises et beaucoup de déceptions« .

55 jeux de données restent ainsi soumis au paiement d’une redevance, dont on comprend qu’elles sont le plus souvent maintenues pour ne pas fâcher les entreprises qui les ont toujours achetées, et qui auraient vu d’un mauvais oeil que des concurrents puissent entrer sur le marché à coût zéro. C’est ainsi que le prix des carburants aux stations-services reste payant, en dépit de ce qu’avait promis l’ancien ministre Eric Besson. Et en dépit, surtout, du fait que l’Etat affirme vouloir encourager la concurrence entre stations-service, ce qui passe par une large ouverture des services qui permettent de comparer les stations.

Mais là où les choses prennent une tournure tragi-comique, c’est lorsque l’on constate que des données essentielles à la compréhension du droit et de la jurisprudence restent soumises à des paiements, à l’instar des Journaux Officiels et autres compilations de lois et décrets.

Dans un document qui ne prend pas la peine d’apporter la moindre justification, la Cour de cassation (.doc) prévient que ses arrêts, avis, rapports ou encore toutes ses informations publiées dans son rapport annuel sont des données soumises à redevance. On parle là pourtant des actes de la plus haute juridiction civile et pénale française, dont les décisions forment le droit tout autant que la loi. Idem pour le Conseil d’Etat (.doc), qui lui prend au moins la peine de détailler ses tarifs, mais sans aller jusqu’à se justifier. Déjà l’an dernier, le ministère de la Justice avait trouvé normal que les conclusions des rapporteurs publics du Conseil d’Etat ne soient pas toujours publiées… au nom de leurs droits d’auteur.

« La palme de l’ironie revient sans doute à la CADA : cette autorité indépendante, garante d’un accès égal à tous les citoyens aux documents administratifs, préfère vendre à un unique acheteur la base de ses avis et conseils pour un montant de 5 000
?
« , remarque Regards Citoyens. « Ces avis permettraient pourtant, s’ils étaient accessible à tous, de mieux valoriser le rôle de cette institution, et d’éclairer le citoyen dans ses démarches d’accès à l’information« .


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