La protection de la vie privée passe après la protection des droits d’auteurs. C’est en tout cas ce que dit à demi-mots le ministre de la Culture Renaud Donnedieu de Vabres, qui appelle à une réforme législative pour contourner les barrières imposées par la CNIL dans la lutte contre les pirates.

Le rendez-vous était « prévu de longue date », tient à préciser le ministère. Renaud Donnedieu de Vabres a rencontré le président de la CNIL Alex Türk le 25 octobre, le lendemain de la publication par la CNIL du refus d’accorder un laisser-faire à la chasse aux pirates souhaitée par quatre organisations d’auteurs et de producteurs.

La Commission Nationale Informatique et Libertés a rejeté la demande des SACEM, SDRM, SCPP et SPPF visant d’une part à traquer automatiquement les internautes pirates, et d’autre part à leur envoyer des e-mails d’avertissement dès qu’une infraction est relevée. La CNIL a en effet dénoncé le caractère disproportionné de la traque organisée, et a noté qu’il était illégal pour les FAI de traiter les adresses IP collectées pour envoyer des e-mails d’avertissement. Ce dernier volet faisait pourtant partie du plan d’action prévu dans la charte signée entre FAI, filière musicale et gouvernement.

Détournement de la loi

Illégal ? Qu’à cela ne tienne. Le ministère de la culture, réputé pour sa légendaire indépendance face à l’industrie du disque, indiquait dès la sortie de cette rencontre avec Alex Türk que « l’examen de la transposition de la directive sur le droit d’auteur pourrait être l’occasion de faire évoluer le cadre juridique et de l’adapter à ce nouvel environnement« . « Le ministère de la culture et de la communication rappelle qu’il souhaite favoriser l’émergence d’une offre légale aussi bien pour la musique que pour le cinéma, qui passe par un juste équilibre entre l’offre et la protection de la création« .
Le projet de loi DADVSI, déjà très largement débattu, devrait donc être une nouvelle fois modifié pour permettre à la « riposte graduée » d’avoir lieu. « L’idée pourrait consister à confier à une autorité indépendante le soin de recueillir des données personnelles avec pour finalité d’envoyer des messages d’avertissement, puis éventuellement d’infliger des amendes aux internautes.« , explique à VNUnet Jérôme Roger, responsable de la SPPF qui réunit les labels « indépendants ».

Mais avant de modifier la loi qui protège la vie privée des internautes (plus de 8 millions en France), ne faut-il pas se demander s’il y a véritablement péril en la demeure qui demande une réaction aussi ferme et automatique ? Tous les signaux de l’industrie du disque sont au vert. La plus grande maison de disques, Universal Music – française qui plus est, a encore augmenté son chiffre d’affaires et triplé ses bénéfices au premier semestre 2005. Toute l’industrie semble suivre le même rythme de croissance, notamment grâce aux revenus issus de la téléphonie mobile et au développement des offres légales qui croient malgré la montée continue du P2P en France et dans le monde.

Faut-il écouter aveuglément Jérôme Roger qui prétend que leur demande était « proportionnelle à l’hémorragie » que l’industrie du disque subit ?

Ne faut-il pas une fois encore se demander si la période actuelle ne signe pas plutôt une simple transition économique vers un nouveau support ? Une de ces nombreuses transitions qui à chaque fois ont permi à l’industrie de multiplier son chiffre d’affaires…

Ne faut-il pas un jour dire « stop » à des industriels qui en demandent encore et toujours plus pour accroître les fruits d’un modèle économique basé sur la concentration des média, le monopole de la distribution, le contrôle des consommateurs, et aujourd’hui la peur de la répression ?

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