Un an après avoir fait confiance aux éditeurs et aux auteurs pour s’entendre sur une réforme du contrat d’édition, devenu totalement obsolète avec le développement du livre numérique, le ministère de la Culture constate sa naïveté. Il paraît désormais très pressé de modifier la loi, faute d’accord entre les parties.

Il y a près d’un an, nous avions publié un article sur la nécessité d’une réforme du contrat d’édition qui lie l’auteur et son éditeur. Il apparaît en effet que la loi qui encadre le contrat d’édition, conçue en 1957, n’est plus du tout adaptée à l’univers numérique. Il oblige l’éditeur à « fabriquer ou faire fabriquer des exemplaires de l’œuvre », à « indiquer le nombre minimal d’exemplaires constituant le premier tirage », ou encore à préciser « le nombre d’exemplaires en stock ». Autant d’informations qui n’ont aucune réalité sur Internet et dans les bibliothèques numériques. Par ailleurs, la loi autorise l’auteur à se libérer de son contrat d’exclusivité si l’éditeur n’assure pas une « exploitation permanente et suivie et une diffusion commerciale » du livre, ce qu’il faudrait définir s’agissant de l’exploitation numérique. Un lien hypertexte vers un PDF payant perdu au fin fond du site officiel de l’éditeur est-il suffisant ?

En janvier dernier, le ministère de la Culture avait refusé d’agir, en affirmant que les principes fixés par la loi de 1957 « sont adaptables aux évolutions technologiques« , et qu’il serait « prématuré de faire évoluer ce cadre légal » sans « laisser sa chance à la négociation interprofessionnelle« . Vaste blague.

Un an plus tard, la rue de Valois se rend compte de sa naïveté. « Le Syndicat national de l’édition et le Conseil permanent des écrivains ont eu l’occasion de débattre de tous les aspects des conditions de cession et d’exploitation des droits dans l’univers numérique, mais n’ont pu trouver à ce jour, en dépit d’avancées réelles, un accord propre à faire évaluer les usages de manière consensuelle« , reconnaît le ministère de la Culture dans une réponse à la sénatrice Christiane Demontès. Il explique donc qu’il a confié au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA) le soin de se pencher « dans les prochaines semaines » sur les relations contractuelles entre auteurs et éditeurs dans l’environnement numérique. Le calendrier est des plus serrés, puisqu’il souhaite que le CSPLA rende ses conclusions dès la fin de l’année, c’est-à-dire à la fin du mois. Tout devient d’un seul coup très pressé.

Or il est difficile de ne pas rapprocher ces délais et ces travaux de la proposition de loi sur les « livres indisponibles » dont le ministère de la Culture a chapeauté la rédaction. Le texte prévoit en effet que les livres imprimés aux 20ème siècle qui ne sont plus disponibles dans le commerce pourront, par un tour de passe-passe savamment organisé, se retrouver à nouveau dans les mains de leurs anciens éditeurs. En effet, la loi de 1957 sanctionne la défaillance de l’éditeur qui n’assure pas l’exploitation continue de l’œuvre, en rompant le contrat avec l’auteur qui retrouve alors la plénitude de ses droits. Mais la proposition de loi donne à l’éditeur la possibilité d’obtenir une licence exclusive d’exploitation numérique de tous ses livres épuisés, pourvu que l’auteur ne s’y oppose pas dans un délai très court, alors-même qu’il n’est pas besoin d’informer activement l’auteur de cette situation…


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