Lors du Forum d’Avignon, la commissaire européenne chargée de la politique numérique a dénoncé l’obsession du copyright. Sans être opposée à la lutte contre le piratage, Neelie Kroes a néanmoins défendu l’idée d’une révision du système du droit d’auteur en Europe.

En charge de la stratégie numérique au sein de la Commission européenne depuis fin 2009, Neelie Kroes a livré un discours quelque peu dissonant lors du Forum d’Avignon. Tandis que Nicolas Sarkozy a souhaité durcir la réponse juridique contre le streaming, à travers la mise en place d’une Hadopi 3, la vice-présidente de la Commission européenne a pointé du doigt l’obsession du copyright.

Sans remettre en cause la lutte aveugle contre le téléchargement illicite sur Internet, Neelie Kroes s’est demandée si la stratégie actuellement suivie par les États membres était la bonne tactique pour résorber le piratage. Depuis quelques années, les nations européennes se sont en effet employées à durcir leur législation pour freiner le piratage. Or, les résultats concrets, efficaces et durables sont bien minces.

« Est-ce que le système actuel du copyright est le bon moyen, et le seul, à notre disposition pour atteindre nos objectifs ? Pas vraiment, je le crains. Nous devons poursuivre la lutte contre le piratage, mais l’application juridique est devenue de plus en plus difficile ; les millions de dollars investis pour essayer de renforcer le copyright n’ont pas enrayé le piratage » a commenté l’ancienne commissaire en charge de la concurrence.

Pour Neelie Kroes, il est donc temps d’adapter le système du copyright pour qu’il soit plus en phase avec l’ère numérique. Car, explique-t-elle, « en attendant les citoyens européens sont de plus en plus au fait du mot copyright et haïssent ce qu’il y a derrière. Malheureusement, beaucoup voient dans le système actuel un outil pour punir et empêcher, pas comme un moyen pour reconnaître et récompenser« .

La rémunération des artistes reste au final la question centrale dans le débat du droit d’auteur à l’ère numérique. Comment faire pour que ces derniers gagnent honorablement leur vie sans pour autant léser le public ? Comment faire pour que le monde de la culture s’accomode des nouveaux usages offerts grâce aux nouvelles technologies ?

Neelies Kroes a rappelé que la moitié des artistes européens gagnent moins de 1000 euros par mois, tandis qu’un certain nombre ont des revenus en-dessous du salaire minimum. Autrement dit pour la commissaire européenne,la question n’est pas tant les revenus élevés de quelques artistes privilégiés que de s’interroger sur les moyens d’augmenter ceux des moins bien lotis.

« Nous devons retourner aux fondamentaux et replacer l’artiste au centre du mécanisme, non seulement de notre législation sur le copyright, mais de l’ensemble de notre politique culturelle et de croissance » a-t-elle ajouté. Les technologies de l’information et de la communication peuvent ainsi jouer un rôle pour connecter les artistes à leur public, directement et à moindre coût.

« Le copyright ne fait pas tout. C’est certainement important, mais nous devons arrêter cette obsession. La vie d’un artiste est difficile. La crise l’a rendue plus compliquée. Retournons aux fondamentaux en délivrant un système de reconnaissance et de récompense qui place les artistes et les créateurs au centre de tout » a-t-elle conclu.

L’an dernier, Neelies Kroes avait déjà tenu un discours similaire à Avignon. Elle avait invité les acteurs politiques et culturels à réfléchir à une révision du système du copyright en Europe, notamment à travers une harmonisation entre les différents pays membres. La commissaire européenne avait cité en particulier la taxe pour copie privée et évoqué des licences paneuropéennes.


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