Le ministre de la santé Xavier Bertrand propose que seules les pharmacies « en dur » puissent réceptionner puis délivrer les médicaments sans ordonnance qui auront été commandés par Internet.

Le gouvernement ne pourra pas échapper à l’ouverture au marché des ventes de médicaments sur Internet. Dans son arrêt DocMorris du 11 décembre 2003, la Cour de Justice des Communautés Européennes a interdit aux états membres d’interdire la vente de médicaments en ligne. Depuis le projet fait son chemin au ministère de la santé, sous la pression des pharmarcies traditionnelles qui craignent de voir leur monopole s’effondrer, avec leur chiffre d’affaires.

Au mois d’octobre, nous avions rapporté une réponse du ministère de la santé, qui ouvrait la porte au filtrage des pharmacies en ligne. « Le seul encadrement juridique de la vente de médicaments en ligne sera insuffisant pour répondre entièrement au problème de santé publique posé par Internet. C’est pourquoi, la réflexion doit également porter sur les moyens de lutte contre l’offre illicite de médicaments sur Internet« , écrivaient les services de Roselyne Bachelot. Nous imaginions alors que le gouvernement imiterait le modèle mis en place pour l’ouverture au marché des jeux en ligne, avec la création d’une autorité administrative chargée de délivrer des homologations, et dotée du pouvoir de demander le blocage, voire le déréférencement des sites non homologués.

Mais le gouvernement pourrait aller vers une solution beaucoup plus simple… qui videra de sa substance l’intérêt de la réforme. Le ministère de la santé a en effet de nouveau répondu jeudi à un sénateur, avec une réponse presque mot pour mot identique à la précédente, qui dévoile cette fois la stratégie réglementaire envisagée.

Tout d’abord, « la vente sur Internet ne pourra être autorisée que pour des médicaments en libre accès, c’est-à-dire légalement autorisé et ne nécessitant pas de prescription médicale, et sous le contrôle d’un pharmacien« , écrit le ministère. « Le ministre du travail, de l’emploi et de la santé souhaite, en outre, que la vente par correspondance soit réceptionnée, traitée et livrée par une pharmacie d’officine en  » dur « « , c’est-à-dire par une pharmacie de quartier.

Or si les pharmacies « physiques » ont le monopole de la réception et de la livraison des commandes faites en ligne, l’intérêt d’acheter ses médicaments sur Internet devient nul, sauf différence importante de prix. Pourquoi commander sur Internet un médicament que l’on devra aller chercher chez son pharmacien (en affrontant son regard désapprobateur), alors qu’au mieux celui-ci l’a déjà en stock, et au pire peut se le faire livrer en moins de 24 heures ?

L’Etat ne s’y prendrait pas autrement s’il voulait protéger le monopole des pharmaciens.

Le ministère indique que la direction générale de la santé (DGS) travaille sur l’encadrement juridique « sécurisant la vente de médicaments sur Internet« , avec l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSAPS) et le conseil national de l’ordre des pharmaciens. « Aucune décision n’a été prise à ce stade, les difficultés identifiées étant nombreuses« , prévient-il.

On notera aussi, par rapport à la réponse faite en octobre 2010, la mention nouvelle du « dernier rapport de l’Alliance européenne pour un accès à des médicaments sûrs (EAASM), organisation basée à Londres et composée en partie de représentants de l’industrie pharmaceutique » (en fait presque exclusivement), selon lequel « plus de la moitié des médicaments vendus sur Internet seraient des contrefaçons« . Il est toujours étonnant, pour ne pas dire plus, de voir des études de lobbys industriels citées ainsi dans des réponses ministérielles, sans prise de distance sur leurs conclusions…

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