Flammarion fait savoir qu’il attaquera les reproductions du roman de Michel Houellebecq, diffusées à tort sous licence libre par certains internautes. Ce qui est en réalité une très bonne nouvelle pour la défense d’un droit d’auteur moins oppressant.

Mise à jour : Un mois après l’affaire, Maître Eolas propose son interprétation juridique, qui conclut à l’illégalité de la publication du livre de Houellebecq sous licence libre. « En aucun cas une personne tierce, et ne prétendant même pas être un des auteurs de l’œuvre contrefaite, ne peut décider de faire justice lui-même en déclarant aboli le monopole d’exploitation de l’auteur et en distribuant l’œuvre d’autrui. Cela revient à répondre à la contrefaçon par la contrefaçon. Et comme toujours en droit, deux torts ne s’annulent pas, ils s’additionnent« , écrit-il.

Article du 26 novembre 2010 – Chacun le sait, pour son livre « La carte et le territoire » qui vient d’être primé du prix Goncourt, Michel Houellebecq s’est fortement inspiré de trois articles de Wikipedia, dans trois passages courts de son ouvrage. Le pot aux roses découvert par Slate avait convaincu le blogueur et juriste Florent Gallaire, spécialisé dans le logiciel libre, de clamer que La carte et le territoire était intégralement publiable sous licence libre.

Le raisonnement était le suivant. Les articles de Wikipedia sont publiés sous une licence Creative Commons By-Sa, qui autorise la reproduction des textes aux conditions d’en citer la source, et de partager soi-même la reproduction ou l’œuvre dérivée sous la même licence. Florent Gallaire estime qu’avec les insertions de textes adaptés de Wikipedia, le roman de Houellebecq devient une œuvre composite, définie par la loi comme une « œuvre nouvelle à laquelle est incorporée une œuvre préexistante sans la collaboration de l’auteur de cette dernière« . Or la loi impose de respecter dans ce cas les « droits de l’auteur de l’œuvre préexistante« , donc de respecter la licence Creative Commons imposée par Wikipedia. Donc de placer l’intégralité du nouveau roman sous cette licence libre.

Sur la foi de cette analyse, intéressante mais très contestable, certains ont décidé par eux-mêmes de publier l’intégralité de La carte et le territoire sur Internet, sous licence Creative Commons by-sa. Cependant Rue89 nous apprend que Flammarion, la maison d’édition de Houellebecq, passe à l’offensive. « Le numéro deux de Flammarion, Gilles Haeri, a annoncé  » entreprendre des démarches juridiques  » contre les blogueurs ayant mis  » La Carte et le territoire  » en libre accès sur le Net« , écrivent nos confrères.

Ce qui est une excellente nouvelle. En voulant défendre les droits d’auteur de Houellebecq, Flammarion défend paradoxalement une application plus laxiste des droits d’auteur. Il défend le droit d’un individu à s’inspirer – même fortement – de textes écrits par d’autres, pour écrire les siens. Vouloir que la licence Creative Commons s’impose à Houellebecq et à Flammarion, c’est prôner la vision la plus intégriste du droit d’auteur, où rien ne pourrait être fait d’une œuvre sans autorisation (laquelle ici est accordée d’office avec la licence libre, mais sous certaines conditions).

Il n’y a que deux options. Soit le livre de Houellebecq, parce qu’il ne respecte pas les termes imposés par la licence de Wikipedia, est une contrefaçon. Ce qui serait terrible pour la liberté de création, surtout lorsque les autorisations de reproduction ne sont pas délivrées d’office. Soit l’on considère que la loi n’a pas à interdire ce qu’a fait Houellebecq, qui n’a fait que recopier et adapter de courts passages d’une encyclopédie, et que la licence libre n’a donc pas à s’appliquer à son œuvre.

Cette dernière option nous paraît largement préférable, parce qu’elle ouvre une soupape à la pression déjà trop forte imposée par le droit d’auteur.


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