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Le gouvernement et son effarente méfiance des liens hypertextes !

Jeudi, alors que le Secrétariat d'Etat à l'économique numérique ouvrait son site internet, nous avions été surpris de lire dans les mentions légales que les liens menant vers le site étaient encadrés contractuellement. Les sites diffusant des "informations à caractère polémique" (sic) n'avaient par exemple pas le droit de pointer vers le site du secrétariat. Les points les plus problématiques que nous avions soulevés ont finalement été corrigés quelques heures plus tard par les équipes de NKM, mais nous les retrouvons dès le lendemain dans les mentions légales du site d'information publique sur l'environnement que le ministère de l'Ecologie vient de mettre en ligne.

Son contrat prévoit en effet que l'autorisation de mettre en place un lien vers le site est valable "pour tout support, à l'exception de ceux diffusant des informations à caractère polémique, pornographique, xénophobe ou pouvant, dans une plus large mesure, porter atteinte à la sensibilité du plus grand nombre".

Tiens donc, serait-ce alors une coutume au gouvernement ?

Les mentions légales du site du Premier Ministre reprennent la même formulation à l'encontre des sites à caractère "polémique", tout comme le très récent nouveau site de la Présidence de la RépubliqueMais aussi celui du Ministère du Développement Durable, celui mis en place pour la Pandémie Grippale, celui du Ministère de l'Agriculture, du Ministère des Sports, du Ministère de la Jeunesse, de la Mission Interministérielle de lutte contre les drogues... La liste est interminable, et ça n'est pas une nouveauté. On retrouve la même réserve sur des sites officiels plus anciens, comme ceux de la Sécurité Routière, dont la date de mise à jour affichée est le 20/05/2008.

Même le Forum des Droits sur l'Internet dont c'est le rôle de faire concilier le droit avec les pratiques des nouvelles technologies, et réciproquement, croit utile de ne pas autoriser les liens depuis les "sites internet diffusant des informations à caractère illicite, violent, polémique, pornographique, xénophobe"... Il demande aussi qu'à chaque fois qu'un lien doit être créé, "les auteurs du lien en aient préalablement informé le Forum des droits sur l'internet".

On tombe de sa chaise à l'heure des liens en un clic sur Twitter, mais c'est là aussi une pratique courante. On la lit avec moins d'autorité au Ministère du Budget ("Création de liens avec le site : Elle est libre. Nous vous demandons simplement d'en prévenir le rédacteur en chef") ou sur le site de la DGCCRF.

Mais on la retrouve aussi avec un bureaucratisme qui fait pleurer de rire sur le site des Douanes : "Nous vous demandons de prévenir le rédacteur en chef, pour la signature d'un protocole d'accord". On vous enverra le formulaire. Le site du Ministère de la Culture et de la Communication se situe entre les deux, puisqu'il stipule que les liens sont autorisés "sous réserve d'en informer au préalable et par écrit le ministère de la Culture et de la Communication".

Certains ont une stratégie différente. Ainsi le Ministère de la Justice autorise d'office les liens mais "se réserve le droit de demander la suppression d'un lien qu'il estime non conforme à l'objet du site www.justice.gouv.fr". Plus alambiqué, le Ministère de l'Intérieur "se réserve le droit de demander la suppression de lien vers des sites dont l'objet s'avérerait non conforme à l'objet de son site". On a beau relire trois fois, on ne comprend toujours pas. Celui qui a écrit les mentions légales a peut-être trop abusé de l'Observatoire Aquitain de la Viticulture, qui limite aussi les liens vers son site.

Le ministère de l'Intérieur se méfie par ailleurs également des sites qui "diffuseraient des informations à caractère raciste, pornographique ou xénophobe ou étant de nature à heurter la sensibilité du public". Mais il ne dit rien, lui, des sites qui diffuseraient des informations à caractère "polémique". Preuve que dans le copier-coller parfois décérébré des juristes, l'un d'eux à un moment donné s'est dit qu'il était pertinent de mettre les sites polémiques sur le même plan que les sites xénophobes, et l'on retrouve désormais cette référence partout.

Une simple recherche sur le site de Legifrance (qui lui autorise les liens sans conditions) nous montre pourtant que dans la loi, il n'existe que deux références à la notion de "polémique". Toutes les deux présentes au code de la propriété intellectuelle (art. L122-5 et L211-3), elles préviennent que le droit d'auteur ne peut pas être opposé aux "analyses et courtes citations justifiées par le caractère polémique de l'œuvre à laquelle elles sont incorporées". Donc ces deux seules fois, il s'agit de protéger la liberté d'expression contre ceux qui voudraient abuser de droits pour brider la polémique. Or la création d'un lien est aussi, en soit, une forme d'expression.