Alors que la France aurait pu être pionnière de la licence globale si le gouvernement de Dominique de Villepin n’avait pas fait revoter l’article 1er de la loi DADVSI qu’avaient amendé les socialistes, ce sont les Etats-Unis qui, quatre ans plus tard, s’apprêtent à mettre en place une licence globale à l’américaine. Trois des quatre majors y sont déjà favorables.

Pendant qu’en France Nicolas Sarkozy fait pression sur les députés et sur le Parlement Européen pour imposer la riposte graduée qu’il a imaginée avec son ami Denis Olivennes il y a plus d’un an, les Etats-Unis sont déjà passés dans l’après-répression. Malgré des dizaines de milliers de plaintes déposées par la RIAA contre les P2Pistes américains, les internautes n’y ont pas changé leurs habitudes de téléchargement, et le niveau des ventes numériques reste insuffisant pour combler la chute du marché du disque physique.

Face à ce constat, Warner Music Group a fait le tour l’an dernier des universités pour les convaincre de collaborer à un système de licence globale. Les étudiants pourraient télécharger autant de musique qu’ils le souhaitent sur les systèmes qu’ils souhaitent (BitTorrent, eMule, LimeWire…), sans risque de représaille judiciaire, et sans DRM, à la condition de payer un forfait évalué à 5 dollars par mois. Le projet est piloté par Jim Griffith, que la major a embauché en mars 2008, sous la bannière d’une organisation à but non lucratif baptisée Educause.

Selon des informations publiées par Wired, le projet avance. Le magazine révèle que la société de gestion collective créée pour l’occasion pour collecter les fonds auprès des universités et les redistribuer aux ayants droit s’appellera Choruss. Son nom de domaine a été réservé en août 2008 par OneHouse Digital, une société de Jim Griffith.

Trois majors seraient actuellement prêtes à accorder les droits sur leur catalogue pour cette licence globale privée : Warner, EMI et Sony Music. Seule Universal Music, qui cherche à imposer sa propre solution avec Total Music, s’y oppose.

De nombreuses universités ont déjà été démarchées et étudient actuellement le dossier : Columbia, Cornell, MIT, Penn State, Stanford, Berkeley, Chicago, Colorado, Michigan, Washington et Virginie. Si l’essai est concluant, il pourrait s’étendre à tous les fournisseurs d’accès américains, au delà des universités.

Pour ajouter à la crédibilité du projet, l’Electronic Frontier Foundation (EFF), opposante de longue date de la RIAA, a fait savoir qu’elle soutenait l’initiative. En France, la Quadrature du Net est également favorable à un système de contribution créative, proche de la licence globale envisagé en 2006.

Mais alors qu’aux Etats-Unis l’idée est de laisser le marché décider des modalités de mise en œuvre de la licence globale, les socialistes français aimeraient que l’Etat régule une telle offre, pour que toutes les parties s’y retrouvent, en particulier les artistes.

Dans une récente interview, Jacques Attali estimait ainsi que « c’est très important que ce soit fait maintenant et que les artistes le prennent en main maintenant parce que s’ils ne le font pas, progressivement les majors vont se rendre compte que le système de la loi Hadopi ne fonctionne pas« . Or « ensuite les majors vont changer complètement de pied comme ils l’ont fait à chaque fois qu’ils ont eu besoin de le faire, et ils vont mettre au point la licence globale en se partageant le gateau avec les fournisseurs d’accès, monter une structure dans laquelle l’ensemble de l’argent réparti ira d’abord des fournisseurs d’accès aux majors, et les majors distribueront des miettes aux artistes« .

« C’est très important que les artistes comprennent qu’ils faut que eux prennent en main le système, comme ils l’ont fait dans le temps avec la Sacem, qu’ils fassent leur propre société (de gestion collective)« , préconisait l’économiste, qui pour le moment prêche dans le vide.


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