Le président d’Universal Music France, Pascal Nègre, et le président de la Sacem, Laurent Petitgirard, ont été faits Chevaliers de la Légion d’Honneur au nom de la République. Une curieuse décoration pour ceux qui demandent à ce que les principes des droits républicains de la justice soient baffoués au nom de la lutte contre le piratage.

Comme chaque année à la même période, les dîners mondains à Paris sont animés par la curiosité des envieux. Qui cette année sera décoré de la Légion d’Honneur ? Pour la cuvée 2009, deux acteurs majeurs de l’industrie musicale sont récompensés pour leurs services rendus à la France : Pascal Nègre, le PDG d’Universal Music France, et Laurent Petitgirard, le Président du Conseil d’administration de la Sacem. Pour faire plus discret, ce dernier sera néanmoins décoré en tant qu’artiste, puisqu’il est avant tout compositeur et chef d’orchestre.

Agé de 47 ans et déjà fait Officier des Arts et Lettres, Pascal Nègre a débuté sa carrière comme animateur de radios libres jusqu’en 1985 avant d’intégrer BMG puis le groupe PolyGram, racheté en 1998 par Universal. Figure de proue de la variété française, il a produit notamment Michel Polnareff, Mylène Farmer, Eddy Mitchell, Michel Sardou ou Florent Pagny. Ces dernières années, il s’est surtout illustré pour sa lutte contre le piratage menée en parallèle au développement de la Star Academy, dont il a été jusqu’à intégrer le jury.

D’abord arc-bouté sur la défense des DRM et d’un modèle propriétaire, ignare sur les questions techniques, il s’est ouvert récemment à l’idée d’une licence globale et à l’abandon des verrous sur la musique. En continuant toutefois à défendre bec et ongles le projet de riposte graduée qu’il fait porter par Nicolas Sarkozy et la ministre de la Culture Christine Albanel. Un récidiviste. Il était président de la SCPP, la société en charge de la collecte des droits des grandes maisons de disques, lors du débat sur la loi DADVSI.

De son côté, Laurent Petitgirard, 58 ans, est un compositeur et chef d’orchestre qui a été une première fois président de la Sacem, également au moment de la loi DADVSI (de 2003 à 2005), avant d’être à nouveau élu à la tête du Conseil d’administration en 2007.

Déjà commandeur des Arts et Lettres, il est lui aussi très attaché au projet de loi Création et Internet qui doit mettre en œuvre la riposte graduée en France. Récemment, il s’est prononcé en faveur de la création d’une nouvelle taxe sur les abonnements à Internet au bénéfice des auteurs-compositeurs, qui ne serait assortie d’aucun droit nouveau pour les internautes.

Tous les deux sont décorés au nom de la République alors qu’ils demandent à ce que les droits de la défense – sacrés par les principes républicains – soient bafoués par la création d’une Haute Autorité administrative chargée d’instruire sans preuve solide et sans recours suspensif les dossiers de piratage. Un détail, sans doute.

On se souvient qu’en juin 2006, quelques semaines seulement après le vote de la loi DADVSI, c’est Sylvie Forbin, la lobbyiste de Vivendi Universal, qui avait été faite Chevalier de l’Ordre du Mérite. Elle avait réussi à faire adopter par le Parlement un amendement aujourd’hui utilisé par l’industrie musicale pour empêcher la création de certains logiciels.


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