Il y a des choses que l’on aimerait voir passer de la science-fiction à la réalité, comme les voitures volantes sans pollution, la téléportation, un président américain noir ou une rencontre du troisième type. Et d’autres que l’on aimerait ne jamais voir le jour.

Dans son film Demolition Man sorti en 1993, Marco Brambilla décrivait une société totalement asceptisée dans laquelle Silvester Stallone se retrouvait plongé après 70 années d’hibernation. Il se réveillait alors dans une ville de Los Angeles où l’on implante des puces sous-cutanées aux citoyens pour les identifier, où l’on fait l’amour par ordinateur interposé, et où dire des gros mots est automatiquement sanctionné par des distributeurs de PV. Si Meetic n’a pas encore totalement remplacé l’acte sexuel, les puces RFID sous la peau sont déjà expérimentées, et Microsoft nous prépare son distributeur de PV.

La firme de Redmond, qui a déjà inventé des technologies destinées à faire respecter les bonnes manières, a ainsi obtenu un brevet sur un système automatique de censure des mots prononcés dans un flux audio. Le procédé compare le signal reçu à une liste de phonèmes de mots interdits, et si la probabilité que le son perçu soit celui d’un mot interdit est suffisamment forte, le mot prononcé est supprimé ou modifié pour le rendre inaudible. Le tout en direct ou en différé.

Le but est d’abord de renforcer les systèmes de protection parentale, en filtrant par exemple les conversations potentiellement choquantes dans les jeux vidéo en ligne. Mais le système pourrait être adapté pour générer automatiquement des bips (dont les Américains sont friands) sur les émissions de télévision ou de radio dès qu’un gros mot est prononcé, ou être implanté demain dans les téléphones mobiles, ou dans des distributeurs de PV. La porte est ouverte.

Vouloir protéger nos enfants de toutes les insultes, de tous les gros mots, part d’une intention louable. Mais c’est oublier que les insultes, la violence graphique ou verbale font partie de la vie. Le risque de les voir ou de les entendre fait partie de la vie. Vouloir s’en prémunir, être garanti de tout et contre tout, c’est aller vers une société où tout est uniformisé. Sans risque et sans danger, mais sans saveur. Pas sûr que ce soit préparer une société meilleure pour les enfants que l’on penser protéger.

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