C’est aujourd’hui les deux ans de la loi n°2006-961 du 1er août 2006 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information, plus connue sous l’acronyme DADVSI. L’occasion de dresser un petit bilan sur une loi qui a fait couler beaucoup d’encre lors de son débat parlementaire et qui s’est avérée, depuis, totalement inusitée, voire inutile.

Voilà donc deux ans déjà que la loi DADVSI a été promulguée. Issu pour une large part d’une directive européenne de 2001, elle-même issue d’un accord international de 1996, le texte devait mettre un point final au problème du piratage en France. C’était du moins la promesse de Renaud Donnedieu de Vabres, qui voulait faire de la loi DADVSI un exemple européen. Deux ans après, le bilan est maigre, au point qu’un nouveau texte, la loi Création et Internet, est déjà dans les tuyaux.

Pour mémoire, le coeur de la loi DADVSI repose sur l’idée de protéger les mesures techniques de protection (DRM) en créant de nouvelles infractions pénales à l’encontre de ceux qui conçoivent, diffusent ou utilisent des outils de contournement. La loi devait réussir l’impossible pari de concilier la protection des DRM avec le respect de l’exception pour copie privée, le respect de la libre concurrence, et le respect du logiciel libre. Or au bout de deux ans, tout semble partir en pièces.

L’Autorité de Régulation des Mesures Techniques (ARMT), qui a été créée et mise en place pour tenter de résoudre les conflits entre le droit à la protection des DRM et les autres droits a été d’une rare utilité. En 24 mois, l’Autorité a rendu deux décisions. Deux décisions d’une extrême importance pour la compréhesion du droit, puisqu’elles ont concerné respectivement l’élection du Président de l’ARMT, et la nomination de son secrétaire général.

Il est vrai que la protection des DRM n’est plus tellement un enjeux. D’abord parce que pour une bonne part, ils sont en voie de disparition. L’industrie du disque a enfin réalisé qu’ils étaient contreproductifs, et l’industrie du cinéma commence tout juste à se poser la question. Mais surtout, les dispositions de la loi ne sont jamais utilisées. Les logiciels de contournement des DRM continuent à être diffusés largement sur tous les sites qui ont pignon sur rue sans que jamais l’industrie ne bouge un sourcil, de peur de créer une jurisprudence qui leur serait en réalité plus défavorable que l’insécurité judirique laissée par le flou du texte de 2006. Et les rares décisions de justice n’ont pas été en faveur des ayants droit. Dernièrement, l’exception de décompilation a été renforcée en faveur du logiciel libre, et les membres du collectif StopDRM qui s’étaient eux-mêmes rendus au commissariat pour se dénoncer ont été relaxés.

L’actualité a aussi montré à quel point la protection des DRM était une absurdité, et comment la loi DADVSI n’était qu’une loi d’incitation à la désobéissance civile. Lorsque de grands noms comme Microsoft ou Yahoo ferment leurs services de musique en ligne, ils sont obligés de conseiller eux-mêmes à leurs clients de contourner les DRM, ce que la loi interdit.

De même, l’amendement Vivendi qui décourage très fortement la création de logiciels de P2P en France en rendant les éditeurs responsables de l’utilisation de leur logiciel n’a eu aucun effet sur le niveau du piratage. Si c’était le cas, la loi Hadopi serait inutile. Elle a en revanche appauvri la créativité des entreprises françaises, au plus grand bénéfice des entreprises étrangères, et en particulier des entreprises chinoises.

Enfin, en rejetant le projet de licence globale, la loi DADVSI a confirmé que le téléchargement de fichiers musicaux était un acte frauduleux, qui n’est pas couvert par l’exception pour copie privée. Or une récente décision du Conseil d’Etat prend acte de cette volonté du gouvernement, et rappelle fort logiquement qu’il n’est donc pas possible de taxer au nom de la copie privée des pratiques qui sont jugées frauduleuses. Les ayants droit risquent de perdre très gros dans l’affaire, alors que la loi qu’ils ont demandée était censée les protéger et leur garantir une plus grande rémunération.

Faute de mise en application, la loi DADVSI ne s’est pas encore révélée être un texte aussi dangereux que nous le craignions. Il reste malgré tout une bombe à retardement, et un texte qui n’est jamais appliqué est un texte qu’il vaut mieux supprimer ou réviser. L’accumulation des lois, l’ambiguité et l’insécurité juridique ne sont jamais bons dans une société qui veut renouer avec la croissance.

La loi Création et Internet (Hadopi), en créant une Haute Autorité sur les cendres de l’ARMT, chargée de mettre en application la riposte graduée, suivra sans aucun doute le même chemin. Si elle n’est pas totalement recalée au niveau européen ou par le conseil constitutionnel, la loi sera vite recalée par l’évolution technique qui rendra la traque des P2Pistes de plus en plus difficile et onéreuse. Aucune loi dictée par la peur ou par la volonté de maintenir de vieux modèles contre l’évolution de la société n’a jamais duré bien longtemps…


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