...Tous les êtres vivants passent leur temps à s'échanger des gènes. Pas uniquement par la reproduction, mais aussi par les virus et les bactéries. Le monde du vivant est une immense orgie collective. On sait aujourd'hui que 8 % de l'ADN humain est constitué de vestiges de gènes qui nous ont été transmis par des virus....
...Pendant longtemps, on a pensé que nous descendions d'un ancêtre commun : le Sapiens. En mai 2010, coup de théâtre : les résultats d'une analyse de l'ADN prélevé sur des os de néandertaliens ont révélé que 1 à 4 % de nos gènes viennent de Neandertal. Que cela nous plaise ou non, nous sommes apparentés à ce lourdaud, et non pas uniquement à Sapiens"l'intello". Les deux se sont rencontrés et métissés. L'arbre généalogique de l'espèce humaine est anti-darwinien parce que notre ancêtre est tout à la fois Sapiens, néandertalien, une bactérie et un virus !...
...La nature n'est pas parcimonieuse, elle est futile. L'idée darwinienne que tout ce qui existe sert à quelque chose et que tout ce qui ne sert pas est éliminé ne tient pas. Depuis, on a découvert le "gène égoïste". Notre génome est plein de gènes égoïstes qui ne cherchent qu'à se reproduire et se fichent bien d'améliorer ou non l'organisme. Certaines bactéries ont jusqu'à 40 % de gènes qui ne servent à rien. L'évolution peut sélectionner une capacité qui n'est pas du tout un avantage à un moment T, mais qui peut le devenir plus tard. Quand un organisme vivant n'a pas l'occasion de manifester ses qualités, cela ne signifie pas qu'il soit inutile. Notre répertoire génomique est une sorte de dépôt de munitions. Plus il est riche, plus on a de chances d'y trouver, le moment voulu, l'arme adaptée à une menace imprévue. La superspécialisation de l'homme est un avantage qui n'est que conjoncturel...
...L'évolution vue par Darwin est forcément avantageuse : la sélection fait progresser les espèces, et tout évolue vers le meilleur, tout s'améliore. Darwin était trop optimiste. Les organismes survivants ne sont pas meilleurs que les autres, ils n'ont pas de meilleures raisons de survivre. Une espèce qui a perdu la "guerre du vivant" à une époque et dans un contexte donné aurait pu la gagner en d'autres temps et d'autres lieux. Bien avant l'arrivée des Espagnols en Amérique, les chevaux avaient disparu de ce continent pour une raison inconnue. Leur réintroduction par les conquistadores a montré qu'ils étaient parfaitement adaptés à ce continent. En fait, l'évolution, c'est le "chacun-pour-soi". Le virus ou la bactérie pathogène qui vous infecte ne cherche pas à vous détruire, pas plus que le gène ne collabore intentionnellement à votre bien. C'est peut-être vexant, mais la nature est parfaitement indifférente à notre sort !...
...L'imagination de la nature est colossale. Nous l'avons largement sous-estimée et nous sommes en train de nous en apercevoir. Prenez Escherichia coli, qui a tué 43 personnes récemment. 30 % de son génome se renouvelle en permanence. Il se crée des Escherichia coli tous les jours....
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